Chronique

Gillicit Ginseng

Gillicit Ginseng

Gilles Aubry (sax, cl), Andy Marti (tb), Lucien Dubuis (bcl, ts), Cesare di Vita (b), Laurent Weber (d).

Label / Distribution : Altrisuoni

Gillicit Ginseng… seulement deux mots sur la pochette. Un pour le groupe, un pour l’album.

Deux mots derrière lesquels se cache le jazz le plus énergique du moment. Un jazz qui puise dans la sève même du magma sonore. On avait déjà eu quelques sueurs (chaudes) à l’écoute du disque, tout aussi suisse, de Lucien Dubuis Crossover Trio : Sumo. D’ailleurs, il est présent sur Ginseng. Coïncidence ? Non. Il se passe de drôles de choses là-bas. Des choses qu’on attend avec impatience : des trucs qui décoiffent, qui étonnent vraiment. Des trucs sales et beaux à la fois. Le genre de musique dans la lignée de Roland Kirk, Charles Mingus… quelque chose qui vous prend aux tripes, qui interdit toute demi-mesure, qui provoque immédiatement un séisme dans les conventions. Bien sûr, leur musique est contemporaine, moderne et la comparaison avec Mingus ne vaut que pour l’esprit, pas la lettre.

Ils sont cinq musiciens réunis sous le nom Gillicit Ginseng. Le leader, compositeur, saxophoniste et clarinettiste se nomme Gilles Aubry. Visiblement influencé par les musiques contemporaines comme le funk, le hip-hop, l’électronique, il n’en reste pas moins attaché à la tradition du jazz et de la musique improvisée, puisqu’il propose une musique écrite, formelle et cadrée. Les musiciens se répartissent les rôles de la manière la plus classique : solistes, rythmiques, et les procédés traditionnels servent au discours : thèmes, improvisation, chorus, ponts, chases, codas… tout y est. La force et la nouveauté se trouvent donc dans le son et le rythme, c’est littéralement trash. L’ensemble est d’une énergie telle qu’on dirait une explosion perpétuelle. Portés par cette folle rythmique, les solistes (saxes, clarinettes et trombone) « balancent » les thèmes avec une conviction à toute épreuve. Le label Altri Suoni ne s’y est pas trompé en signant cette bande de lascars.

Lucien Dubuis y est affirmé, déjanté et visionnaire. Son jeu fait penser à un Julien Lourau des temps modernes et la musique ressemble à du Groove Gang qui aurait pris « un coup de jus ». Il semblerait qu’un petit village résiste encore et toujours à l’envahisseur mais qu’il se trouve en Suisse.