C’est l’histoire d’un Basque et d’un Breton. De deux artistes qui étaient faits pour se rencontrer : « parce que c’était lui, parce que c’était moi », version anches et optique. Pendant toute leur carrière, Michel Portal et Guy Le Querrec n’ont cessé de se suivre et s’accompagner, le photographe ayant l’art de se faire oublier dans des lumières parfaites et des noirs profonds. Les premières photos de Portal dans ce livre datent de 1964, deux ans après la rencontre de GLQ avec Coltrane, mais c’est bien dans la giration copernicienne de mai 1968 que les deux artistes ont commencé à faire route ensemble. Avec Michel Portal au fur et à mesures, paru dans un magnifique recueil aux Éditions de Juillet, le photographe et le musicien écrivent l’histoire ensemble : on est heureux de retrouver Portal à Châteauvallon en 1972, avec Pierre Favre et Tamia Valmont, dans l’effervescence de l’année 81 à Uzeste ou encore d’incroyables photos de la tournée étasunienne de 1988.
Ces photos seraient belles, on s’en pâmerait même parfois en découvrant quelque portrait d’Alan Silva ou certains cadrages qui n’appartiennent qu’à Guy Le Querrec, comme ce trombone d’Albert Mangelsdorff qui longe le cadre ou ce bandonéon farceur soumis à tous les angles. Mais dans tout bon livre de photographie, les textes sont cruciaux. Ici, c’est la figure de la maison nato Jean Rochard qui s’en charge. Qui d’autre ? Fin connaisseur du cinéma et de la photographie, observateur privilégié du travail des deux compères [1], Jean Rochard met sa verve et son talent de narrateur pour décentrer les photographies ou au contraire élargir le cadre. Offrir du contexte. C’est une des grandes réussites de cet ouvrage, qui peut se lire linéairement, comme un passionnant témoignage.
Il se dit toujours que photographier Michel Portal est difficile. À regarder ce déroulé de presque un demi-siècle, on ne peut y croire. Ou alors est-ce GLQ qui est une sorte de magicien ? Rien n’est moins vrai : il y a dans ce livre des facéties de coulisses et des poses au graphisme époustouflant (notamment sur le continent américain) qui ne pourraient certainement être l’œuvre que de Le Querrec. Livre puissant, très complémentaire du Jazz de J à ZZ paru en 1999, Michel Portal au fur et à mesures raconte une double histoire : celle de nos musiques, et celle d’une triple amitié : Le Querrec, Portal et Rochard.