Chronique

Hugo Carvalhais

Ascetica

Hugo Carvalhais (cb), Emile Parisien (ss), Liudas Mockunas (ts, cl), Fábio Almeida (as, fl), Gabriel Pinto (p, orgue, synthétiseur), Mário Costa (dms)

Label / Distribution : Clean Feed

Le contrebassiste portugais Hugo Carvalhais poursuit l’édification d’une œuvre originale. A partir d’un trio (Mário Costa à la batterie, Gabriel Pinto aux claviers l’accompagnent depuis douze ans) qui pose les bases solides de ce qu’il souhaite développer, il développe un univers onirique dans lequel l’espace et l’interaction sont privilégiés. Avec une belle variété d’atmosphères qui ne versent jamais dans le lénifiant, il déploie un monde personnel en laissant à chaque musicien le soin de s’exprimer comme il l’entend.

Après Tim Berne (sur Nebulosa), ou encore Dominique Pifarély (sur Particula et Grand Valis), il invite aujourd’hui le ténor Liudas Mockunas et l’alto et flûtiste Fábio Almeida ; le Français Emile Parisien, quant à lui, est membre permanent depuis les trois dernières productions. Cette triade de soufflants se plie aux mouvements d’une partition qui semble s’inventer dans l’instant en suivant sa trajectoire propre et ne ressemblant à rien de connu par ailleurs. De multiples voies s’ouvrent en permanence, jaillissant des limbes et prenant aussitôt la lumière. Musique de la clarté, et aussi de l’ombre, elle dessine des paysages en apesanteur qui n’accrochent pas mais défile à une vitesse constamment changeante.

En cela, la basse puissante, ronde et boisée du leader est un gage de la solidité de la formation, et son versant mélodique tout autant. Rien d’aride ici, la batterie foisonnante de Mário Costa emprunte au vocabulaire des musiques électroniques (trip-hop, jungle drum’n’bass), avec beaucoup plus de souplesse toutefois, et rend l’appréhension générale du disque très dynamique. C’est à Gabriel Pinto de diffuser de manière surprenante de petits dérèglements synthétiques qui s’instillent dans les interstices sonores et rendent plus étrange encore un climat entre deux eaux. Avec sensibilité et beaucoup de poésie, les saxophonistes n’ont plus qu’à laisser aller leur inspiration et se laisser porter par cette musique des bordures à la fois enveloppante et entêtante.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 26 juin 2022
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