Chronique

Niculin Janett Quartet

Complexes

Niculin Janett (as), Rich Perry (ts), Lisa Hoppe (b), Claudio Strüby (dms)

Label / Distribution : QFTF

Une chanson a priori très simple peut exprimer les émotions les plus riches, alors qu’une chanson très complexe peut raconter une histoire toute simple. Voilà le point de départ qui donne son titre à ce second album du quartet de Niculin Janett. « Nous voulions aborder les complexités simples et les simplicités complexes de la vie à travers le prisme de la musique jazz. »

Pour ce nouvel album, le saxophoniste suisse est toujours accompagné de la contrebassiste Lisa Hoppe (récemment installée à Brooklyn), de son ancien professeur Rich Perry, tandis que le Zurichois Claudio Strüby, issu notamment du Rusconi Trio, remplace Rodrigo Reccabarren à la batterie. À cette solide formation on peut ajouter un cinquième membre, la très talentueuse Aira Joana, qui signe la pochette du disque et illustre dans le livret chacun des titres. Les dessins s’insèrent dans une certaine continuité graphique qui ne s’ajoute pas à l’œuvre du Quartet mais en est un des éléments nécessaires, au point qu’on se croit autorisé à parler d’un quintet pour ce disque.

Le propos de Complexes tient sur 6 titres, et commence par une reprise de « Creep » de Radiohead. Si l’on ne compte plus les adaptations jazz - et ce n’est pas le fruit du hasard, mais c’est un autre sujet - du groupe d’Abingdon (Brad Mehldau, Robert Glasper, ou encore l’Amnesiac Quartet qui en a fait sa raison d’être), il faut admettre que la version ici proposée est magnifiquement adaptée. Toute en justesse, elle introduit de façon cohérente le reste de l’album. Deux titres sont signés Niculin Janett, « Minor Complex » et « Major Complex », au swing imparable, joués à grande vitesse, avec une fougue qui rappelle les grandes envolées de Joe Lovano. Une émouvante version de « Il Bös-ch Rumantsch » du poète suisse Linard Bardill, un traditionneln « Fila Fila », et l’album se termine par une version du standard « All Or Nothing At All », aérienne et dansante.

Niculin Janett rappelle les grandes figures du jazz qu’il renouvelle par une personnalité propre, pleinement de son temps. Chanteur sensible dans le groupe The Sad Pumpkins (sa voix n’est pas sans évoquer, et c’est troublant, celle de Chet Baker), compositeur saxophoniste pour le septet Janetts Jazzmusik-Baukasten (toujours avec Lisa Hoppe), le jeune musicien regorge d’idées qu’il restitue toujours avec beaucoup de talent. On le retrouve également au sein du Raphael Walsers GangArt, du Lukas Brügger Jazz Orchestra, (c’est si) B.O.N, etc... Il n’est pas superflu de se pencher sur l’œuvre de Niculin Janett ; bien au contraire, il y a même de quoi s’y attarder. Le seul risque serait de s’attacher.