Chronique

Jean-Marie Machado

Impulse Songs

Jean-Marie Machado (p, comp), Keyvan Chemirani (zarb), Gisèle David (perc), Marion Frétigny (perc), Christian Hamouy (perc).

Label / Distribution : Editions Hortus

On sait depuis longtemps que Jean-Marie Machado est un musicien pour qui la diversité des rencontres est essentielle au développement de son langage, ce dernier étant marqué par un besoin d’échange et un grand esprit d’ouverture. Ses projets l’ont souvent entraîné à s’entourer de formations atypiques dont les influences sont à la fois multiples et voyageuses. C’est le cas en particulier de son orchestre Danzas, un ensemble où les voix et les souffles sont rois. On peut évoquer aussi son duo avec l’accordéoniste Didier Ithursarry ou bien encore son projet de piano solo avec sculpture sonore par Alain Français. De formation classique, le pianiste est avant tout homme de création et d’improvisation, qui avance avec beaucoup de curiosité sur un chemin qui n’aura sans doute jamais de fin.

Impulse Songs est une traduction raffinée de sa recherche – il faudrait parler de quête – de nouvelles formes musicales. Dans un entretien accordé à Citizen Jazz lors de l’enregistrement de son nouveau disque au mois d’août 2017, Machado se plaisait à rappeler que le piano est l’instrument d’une double percussion (doigts et marteaux), ce qu’on a parfois tendance à oublier. Aussi l’idée de l’unir à un ensemble de percussions semble naturelle. Ici, celles-ci sont d’origine classique (avec Marion Frétigny, Gisèle David et Christian Hamouy) ou de tradition orale (comme le zarb de Keyvan Chemirani, qu’on a pu entendre notamment aux côtés d’un autre explorateur, Louis Sclavis sur le disque Silk And Salt Melodies). Jean-Marie Machado s’est entouré de musiciens avec lesquels il avait déjà eu l’occasion de travailler, en mettant l’accent sur la dimension intergénérationnelle de sa démarche. Il n’oublie pas en outre ce qu’il doit à Naná Vasconcelos (1944-2016), chez qui la musique se voulait proche de la nature et de ses éléments. Un lien essentiel dont on a parfois tendance à s’éloigner.

On l’a compris, la pulsation est au cœur de ce disque subtil et impressionniste : la percussion s’y épanouit sous ses formes les plus variées, de la frappe au frôlement en passant par le frottement et le grattement ; toute en suggestion, elle arbore des nuances changeantes, celles que fournissent le zarb, les bols tibétains, les cymbales, le marimba, le vibraphone ou bien encore le xylophone. Impulse Songs n’est pas pour autant un disque du chaos percussif : majestueux, le piano de Jean-Marie Machado veille sur l’ensemble – même lorsqu’il fait silence – avec un grand lyrisme et suscite d’élégants dialogues entre les instruments. On a envie de fermer les yeux et de s’abandonner aux mystères que ces derniers (auxquels s’ajoutent parfois des voix), qui semblent surgis de l’épaisseur de la nuit pour mieux éclater au grand jour, laissent planer autour d’eux.

C’est une musique de la retenue qui se joue là, elle avance sur la pointe des pieds dans un clair-obscur un peu magique. On aurait envie d’évoquer l’idée d’enchantement. Impulse Songs est un disque à découvrir sans attendre, tant il serait dommage de ne pas oser pousser la porte de ce qui ressemble fort à un petit paradis musical.