Chronique

Jean-Marie Machado Danzas

Cantos Brujos

Jean-Marie Machado (dir, p), Karine Sérafin (voc), Cécile Grassi, Cécile Grenier (vla), François Thuillier (tu), Jean-Charles Richard (ss, bs), Zé Luis Nascimento (perc), Stéphane Guillaume (fl), Élodie Pasquier (cl, bcl), Guillaume Martigné (cello), Didier Ithursarry (acc).

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Pétri de culture classique et très influencé par la fougue des musiques ibériques, le pianiste et chef d’orchestre de Danzas Jean-Marie Machado ne pouvait qu’un jour répondre à l’appel de Cadix et s’intéresser à la fougue caniculaire de Manuel de Falla. Parmi les œuvres de l’Andalou, c’est presque naturellement que Machado a choisi L’Amour sorcier (El amor brujo) pour le confronter à ses Cantos brujos disséminés en cinq scènes comme autant d’actes ; un choix opératique qui tient davantage de différents tableaux que d’une histoire construite. Elles permettent à l’imagination de voyager, d’autant que Machado compose ses propres morceaux quasiment à parité. Ainsi, si « La luna y el misterio » est une œuvre du jazzman, qui s’appuie sur l’interprétation vocale magnifique de Karine Sérafin, « En la cueva - la noche » est la musique de nuit d’été offerte par de Falla. L’approche pianistique est la même, farouchement fluide et insaisissable. Mais c’est le tuba de François Thuillier, très en verve dans ce disque, qui décide de la couleur.

Hymne tzigane revendiqué, l’œuvre de De Falla se love à merveille dans le propos de Danzas. Celui de la danse, naturellement (« Danza ritual del fuego » avec Zé Luis Nascimento aux percussions et l’inamovible Didier Ithursarry à l’accordéon) où les cordes ont une large part ; elles virevoltent même lorsque s’élance le violon alto de Cécile Grenier qui incarne littéralement une musique très poétique. Plus loin, dans le très beau « Arena y viento » écrit par Machado, la clarinette basse d’Élodie Pasquier vient se saisir d’une mélodie qu’elle rend à la voix. Le travail de la soprano Karine Sérafin, tout au long du disque, offre une grande latitude à un orchestre aux timbres très chaleureux, comme elle avait su le faire avec l’ensemble Jacques Moderne pour des lectures de Buxtehude, ou avec Antoine Hervé.

Avec Cantos brujos, Jean-Marie Machado fusionne la plupart des ses passions et de ce qui illumine sa musique. Au-delà d’un poignant hommage à la musique de De Falla, bien magnifié par l’enregistrement magistral du label La Buissonne, il s’offre en prime quelques instants suspendus, comme ce dialogue avec le violoncelle de Guillaume Martigné sur « Chispas brujas », clairement l’un des sommets d’un album bien élégant.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 septembre 2023
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