Chronique

Arnaud Dolmen

Tonbé Lévé

Arnaud Dolmen (perc, voc), Leonardo Montana (kb), Adrien Sanchez (ss, ts), Joachim Govin (cb)

Label / Distribution : Auto Productions

Tout commence, ou presque, au Bab-Ilo à Paris. Arnaud Dolmen y jamme fréquemment et, bien entendu, y rencontre des musiciens avec lesquels « ça le fait ». C’est avec certains d’entre eux que le quartet s’est formé. Plus précisément, une jam a été montée avec ces quatre-là et le batteur explique que, tout simplement, ça a marché. Tout simplement car, lorsqu’on l’interroge, on a l’impression que cette histoire de feeling est à la fois élémentaire et fondamentale - quelque chose qui relève de l’évidence, en somme - et on acquiescera d’autant plus volontiers que Tonbé Lévé est une belle découverte.

On avait croisé Arnaud Dolmen avec Jacques Schwarz-Bart ou encore Sonny Troupé et les plus curieux – ou les plus toulousains – l’avaient sûrement vu jouer avec Elvin Bironien et Thibaud Dufoy dans le FDH trio. Son nom n’était donc pas inconnu et on s’attendait un jour ou l’autre à le voir en tant que leader. C’est enfin chose faite, et la sensibilité qu’on avait perçue dans son jeu de sideman transparaît plus encore maintenant qu’il est à la tête d’un projet. Dans cet album, on ne trouvera aucun chorus tonitruant. Tout est doux, fait de patience et de calme. Les jeux respectifs de Joachim Govin et Léonardo Montana sont d’une précision millimétrique. Celui d’Adrien Sanchez est plus en avant – nécessairement le saxophone – mais, là encore, pas d’esbroufe. Non plus qu’avec les multiples invités – dont Lionel Loueke. Si vous attendiez du spectaculaire, passez votre chemin. En revanche, cet album de compositions originales est bourré de tendresse. De « Sonjé Jòj », en hommage à Georges Troupé, père de qui on sait et fondateur de l’école Marcel Lollia dit Vélo, aux trois parties de « Mèsi La Fanmi » en passant par « S’en souvenir pour devenir », il y a beaucoup d’affection et d’hommage. On est ici dans un va-et-vient permanent entre jazz et Caraïbes. Le titre de l’album est à cet égard explicite. « Tonbé lévé » est une expression guadeloupéenne qui désigne, dans le registre de la danse, un déséquilibre contrôlé.

On serait mal avisé de s’arrêter à cette terminologie qui peut laisser entendre un jazz paternaliste auquel on adjoindrait une musique typique. Pour Arnaud Dolmen, les Caraïbes ne sont pas un sympathique exotisme. La musique y est swing si on entend, par ce mot, autre chose qu’un « chabada » et l’album est à mille lieues de tous les clichés qui courent sur les Caraïbes. Elle est toute en équilibre, à l’image du superbe cheminement entre la contrebasse et le saxophone sur la longue introduction de « Tèt Kolé ».

Invités : Erik Pédurand (voc on track 3), Cynthia Abraham (voc on tracks 3, 9), Lionel Loueke (g on tracks 3, 8), Mario Canonge (p on track 8), Fanm Ki Ka (on tracks 3, 6)