Chronique

Kurt Rosenwinkel

The Next Step

Kurt Rosenwinkel (g), Mark Turner (ts), Ben Street (b), Jeff Ballard (d).

Label / Distribution : Verve / Universal

Aussi loin du revivalisme à la Marsalis que des courants issus du free
historique ou du rapprochement avec la musique contemporaine, tout une génération de musiciens est en train de développer une musique de haute volée, caractérisée par une grande sophistication technique, un attachement à la culture traditionelle du jazz et une approche pragmatique à la fois des exigences du business et de celles de la musique elle-même. Ce sont de jeunes musiciens/compositeurs/chefs d’orchestre/sidemen/créateur de « projets » qui ont un commun une formation académique poussée (très souvent), la jeunesse (parfois relative) et une envie de créer leur musique, sans exclure aucune des influences venues de leurs études et de leur expérience.

Kurt Rosenwinkel, coqueluche des critiques et aussi, il faut le dire, des
musiciens, fait partie de cette génération, ainsi que les autres membres de son quartette - Mark Turner, saxophoniste ténor lyrique et aérien, et la paire basse/batterie formée par Ben Street et Jeff Ballard, ce dernier faisant partie de l’association newyorkaise Jazz Composers’ Collective qui a donné naissance, entre autres, au Herbie Nichols Collective.

Dans le son cristallin du guitariste, son phrasé fluide, et un certain
je-ne-sais-quoi d’ouvert et de frais dans les harmonies, on voit l’influence certaine de Pat Metheny. En revanche, les compositions - toutes de Rosenwinkel - n’ont peut-être pas la même maturité. Agréables, certes et elles fonctionnent bien comme canevas de solo ; on ne peut d’ailleurs qu’admirer l’aisance avec laquelle le leader et Mark Turner prennent tour à tour et souvent à deux la parole. Les rôles donnés au bassiste et au batteur me semblent moins réussis. Leur accompagnement est expert mais à mon avis manque un peu
de relief et de variété.

Cette musique, à l’image de ses créateurs, est raffinée, érudite, cultivée ; elle ne manque pas non plus d’enthousiasme et d’engagement. Mais de passion, il me semble un peu. Sa beauté semble couchée sur papier glacé. La faute en incombe sans doute partiellement à la production, qui privilégie une belle surface plutôt que l’épaisseur des sons, mais aussi à cette combinaison de
jeunesse et de brillance académique. Ceci dit, « The Next Step » ne manque pas d’intéret et s’écoute avec plaisir. Simplement, ce pas-là n’est pas, de loin, le dernier de leur chemin.