
Steve Lehman Trio
The Music of Anthony Braxton
Steve Lehman (as), Mark Turner (ts), Matt Brewer (b), Damion Reid (d)
Label / Distribution : Pi Recordings
Lorsque Steve Lehman a annoncé un disque autour de l’œuvre d’Anthony Braxton chez Pi Recordings, l’excitation et l’envie d’en savoir plus était grande. Considéré comme l’un des proches du compositeur, son jeu d’alto en fait, avec James Fei, l’un de ses descendants ; sa présence dans le 12+1tet qu’on peut considérer comme une matrice et une quintessence du langage braxtonien dans la décennie 2000 en témoigne. Amateur comme Braxton des jeux de pistes et de signes, compositeur talentueux influencé par la musique spectrale, il est passionnant d’entendre Lehman se colleter à ces compositions choisies parmi les plus symboliques. Celles, pensées pour le quartet, qui résonnent le plus avec les territoires du jazz.
Les compositions 40 et 23, sont surreprésentées ici. Braxton en use notamment avec deux orchestres, Willisau (quartet) 1991 et Dortmund (quartet)1976. De la « Composition 23 », Marilyn Crispell a dit qu’elle était un plaisir enfantin qui swinguait. Notons que lorsque les membres du quartet stabilisé qui animera les années 80-90, Crispell, Hemingway et Dresser enregistrèrent un Plays Braxton en 2012, ce sont les mêmes morceaux qui ont été ciblés. Ainsi « 23c » représente la direction voulue par Steve Lehman avec une base rythmique puissante. La batterie de Damion Reid est en mouvement constant avec, en soutien, la basse lourde de Matt Brewer. De Braxton, Lehman garde une rapidité et une dextérité bouillante, toujours en éveil. Ce trio coutumier invite le ténor de Mark Turner qu’on avait tant aimé avec le Benoît Delbecq Unit. Dans ce quartet sans piano, il tient le rôle que Wheeler ou Lewis avait dans les quartets braxtoniens des années 70, à la fois soutien et ouvreur de perspectives (« 23e+40a »).
Enregistré en live dans un club de Los Angeles, The Music of Anthony Braxton est une lecture très personnelle d’une musique envisagée comme un répertoire. De son ancien professeur à l’Université Wesleyan, Steve Lehman a choisi de retenir l’urgence et la grande élégance, proposant comme des prolongations ses propres compositions (très beau « L.A. Genes ») et comme point final une reprise de « Trinkle Tinkle » qui, si elle n’est pas au nombre des standards volontiers entonnés par Braxton, est lue dans le même esprit.