Scènes

L’Atelier du Plateau fait son cirque

Hétéroclite, disparate, hybride : le festival « L’Atelier du Plateau fait son cirque » propose, chaque automne pendant trois semaines, des rencontres entre musiciens et circassiens. Cette 9ème édition (2010) fut riche de contrastes et d’aventures.


Hétéroclite, disparate, hybride : le festival « L’Atelier du Plateau fait son cirque » propose, chaque automne pendant trois semaines, des rencontres entre musiciens et circassiens. Cette 9ème édition (2010) fut riche de contrastes et d’aventures.

Nelson Veras © H. Collon/Objectif Jazz

L’an dernier c’était du bleu strié de blanc, cette année ce sont des ballons rouges, si grands qu’on ne les voit pas en entier, qui volent sur les murs de l’Atelier du Plateau (Paris, XIXe). Sur l’un d’eux se promènent, entre autres, des géants congolais, un dompteur, un machiniste, une femme-tronc : ils observent les instruments, les cordes, le mât chinois, les théières, la cuisine, et les corps. Les équipes se recomposent en permanence : les musiciens changent tous les jours, les circassiens toutes les semaines (avec des variantes). Alors qu’on est prié de ne pas bouger pendant le spectacle, rien n’est fixe, à l’Atelier du Plateau : regards, mouvements, éclats de voix, tout est à l’affût dans ce petit espace convivial.

Côté musique, c’est rock (Franck Vaillant : batterie, Gilles Coronado : guitare et Benjamin Colin : percussions le 17 octobre, Olivier Lété : basse, Olivier Benoît : guitare et Eric Echampard : batterie le 24), c’est paysagiste (Alexandra Grimal : saxophone, Nelson Veras : guitare et Jozef Dumoulin : Fender Rhodes le 16), c’est explosif (Nicolas Stephan : saxophone, Csaba Palotaï : guitare et Julien Desprez : guitare le 21). Côté cirque, c’est haletant (Sébastien Bruas et Sophie Perez : portique coréen, Mathias Pilet et Alexandre Fournier : portés acrobatiques), c’est érotique (Elsa Caillat et Clémentine Lamouret : cordes), poétique (Anne-Sophie Robin : comédienne claudélienne), démonstratif (Yukihiro Suzuki : yoyos), drôle (Nathan Israël : jongle, Vulcano le clown), triste (Vulcano le clown). Entre les deux, plein de surprises.

D’habitude, au cirque, la musique est rodée, les acrobates savent qu’ils doivent atterrir sur leurs pieds à telle mesure, on applaudit, on rentre chez soi. Là, ni les uns ni les autres ne savent très bien ce qui va se passer. Parfois, il y a une trame : la clown Orty GrandHôtel glisse sur le tremplin des circassiens, le trio d’Olivier Lété, « Just Ask The Axis », présente des reprises d’Axis Bold As Love du Jimi Hendrix Experience. Toujours il y a une mise en scène : les musiciens à droite, contre le mur. Les circassiens face au public ; ils nous regardent dans les yeux, défilent l’air amusé, défient la gravité. C’est du grand spectacle ! Danse flamenco en jupe noire chez Kotoe Makino, robes de velours rouge pour Sébastien Bruas et Sophie Perez, lunettes jaune et fausse bosse chez Dgiz, slammeur « au verbe nomade »… Pas de chichis : on se travestit, on se caresse, on se respire. On laisse la place au silence – jolie transition de Kotoe Makino à Dgiz, toute de regards et d’échappées –, on improvise. Nicolas Stephan avait préparé un morceau, son trio n’en a joué que quelques notes. Impossible, pas assez de place pour le « prévu » !

A. Grimal/J. Dumoulin © H. Collon/Objectif Jazz

La musique s’adapte aux acrobaties plutôt que le contraire. Le nez en l’air, les musiciens sont attentifs aux moindres gestes des circassiens. Les corps sont au centre de l’action et aux commandes du tempo, mais ce sont les sons qui appliquent leur couleur à la soirée. D’un jour à l’autre se jouent mille nuances : disparate et éclaté avec les deux guitares de Palotaï et Desprez ; aérien et impressionniste chez Grimal ; scandé avec Just Ask The Axis. L’équilibre est à la fois toujours le même (trois musiciens, huit circassiens) et toujours différent.

Assis sur des chaises de plus en plus petites, sur des tables ou au bar, le public dévore le spectacle des yeux et des oreilles, pousse des « oh ! » et des « ah ! », demande à sa maman si le monsieur va revenir, goûte le velouté de potiron à la châtaigne d’Étoile, le cordon-bleu, commande à boire à Matthieu Malgrange ou Laetitia Zaepffel, respectivement directeur artistique et collaboratrice à la programmation, et prévoit d’arriver à l’avance car le lieu affiche souvent complet.

Franck Vaillant © H. Collon/Objectif Jazz