
On retrouve, non sans une certaine excitation, l’orchestre et le projet du contrebassiste Nick Dunston. Un an après son anti-opéra Colla Voce qui réunissait un orchestre nourri aux improvisations et à la grammaire de la musique écrite contemporaine, avec Sofia Jernberg et Cansu Tanrıkulu aux voix, voici Colla Voce Praylewd, une revisite en profondeur des intentions de l’artiste et un élargissement de l’univers de l’œuvre, en plus d’un jeu de mot particulièrement retors [1]. En deux morceaux égaux, deux faces d’un vinyle, Nick Dunston énonce l’argument de Colla Voce : des voix répétées, bouclées, qui se répètent comme une transe au milieu d’une électronique fiévreuse et inquiétante. Des choix radicaux qui portent l’œuvre plus loin.
La musique de Nick Dunston est d’abord une atmosphère. Épaisse et étouffante comme un ciel acide et angoissant. Un ciel de lacrymos dans lequel Dunston se replonge pour aller y chercher de nouvelles sensations, pour nous faire revivre des émotions inédites dans son disque précédent. Lorsque Jernberg s’empare d’une onomatopée féline répétée à l’envi et soulignée par la contrebasse, ou lorsque l’électronique rappelle que Dunston et Tanrıkulu avaient déjà joué de leur goût pour les atmosphères psychotropes sur Skultura, on est dans une forme bien différente d’intimité ; l’orchestre nous montre les coutures, l’envers d’un work in progress délimitant les territoires de l’improvisation qui donneront le produit fini - et infini - de Colla Voce.
Le choix du nom des deux morceaux n’est d’ailleurs pas anodin, puisqu’il est entendu que dans l’univers créé par Dunston, rien ne l’est. La musique répétitive qui construit « Ouroboros » dans le cliquetis des archets est une autre forme de transe. « Phoenix » est une renaissance, « Ouroboros » une infinitude. Deux façons d’envisager le cycle et de créer une atmosphère où Colla Voce pourra s’épanouir en toute liberté. Un prélude complémentaire et vite indispensable à la perspective de cet anti-opéra.