Chronique

Lucien Dubuis Trio & Marc Ribot

Ultime Cosmos

Lucien Dubuis (sax, clar), Roman Nowka (g, b, voc), Lionel Friedli (d), Marc Ribot (g)

Label / Distribution : Enja Records

Lorsqu’on fait partie des amateurs de Lucien Dubuis, saxophoniste et clarinettiste helvète, on ne peut que se réjouir de sa toute dernière production, avec Marc Ribot comme complice. L’impression de faire partie des happy few domine… d’être de ceux ceux qui pourront dire qu’ils le connaissent depuis son premier disque, ses débuts.

Car Lucien Dubuis, trop méconnu en France, enchaîne les disques avec détermination et continue son travail de dévastation–fusion des sonorités qu’il tire (on se demande parfois comment) de ses clarinettes et saxophones. Avec ses propositions précédentes, toujours aussi énervé et binaire il menait de front le travail artistique, musical, et le leadership. Ici, il semble avoir trouvé une plus grande liberté de mouvement : un gros label (Enja), un studio à Brooklyn, un compagnon de route aux épaules solides (Ribot)… Le résultat [1] est jouissif. Avec ses deux compagnons de toujours, Roman Nowka (basse, guitare, voix) et Lionel Friedli (batterie) il livre ses propres compositions (à l’exception de trois titres), dont certaines figuraient sur ses précédents disques.

Ces reprises de « standards » personnels sont de beaux exemples de ses talents d’arrangeurs et de compositeur. De la première à la dernière plage, cet Ultime Cosmos est un bolide lancé à fond. Tout s’enchaîne très vite. La pulsation, fortement marquée, est souvent rapide. Et l’unité de timbre sur l’ensemble des morceaux [2] donne l’impression d’une seule et même prise, une sorte de concert privé. Sur « Bal les masques ! » le tempo s’alourdit, ralentit et prépare à « Echo noire », petite saynète colorée tout en cliquetis. Mais tout repart ensuite dans ce style unique, très rauque, très rock aussi, avec des ambiances parfois proches de Tom Waits (Marc Ribot n’y est pas étranger), des feulements et des cris à la clarinette, et cette énergie incroyable qui caractérise Dubuis.

Enfin, comme à leur habitude les musiciens s’offrent une petite perle humoristique, signée Roman Nowka, dans le style « Old School » qu’affectionne le guitariste : « Do You Know The Way To My Home ». Encore un disque réjouissant et décapant, une sorte de centrifugeuse cérébrale qui nettoie tout de l’intérieur.

Sur le DVD, Second Take retrace l’aventure de l’enregistrement en studio à New York, dans un montage vidéo proche du style Dubuis. C’est un plaisir que d’y voir Nowka s’expliquer en anglo-franco-suisse… Les bonus proposent des extraits de concerts et des reportages. Quelques images humoristiques en plan de coupe font de ce film un court-métrage à part entière, très esthétique - et un excellent argument supplémentaire pour acheter ce disque.

par Matthieu Jouan // Publié le 1er février 2010

[1Un CD et un DVD qui contient un film, Second Take, et des bonus.

[2Dubuis joue du saxophone alto et de la clarinette contrebasse – à voir absolument sur le DVD !