Laura Schuler Quartet
Sueños Paralelos
Laura Schuler (vln, voc), Tony Malaby (ts), Hans Peter Pfammatter (cla), Lionel Friedli (dms)
Label / Distribution : Auto Productions
Il y a des souvenirs qui resteront à jamais associés aux périodes de confinement. Autant qu’ils soient plutôt agréables, ce qui est indubitablement le cas lorsqu’on entend le violon de la jeune Suisse Laura Schuler : Metamorphosis, le précédent album de son quartet, avait rythmé les périodes d’isolement avec une pointe étonnante de nostalgie. Nous l’avions interviewée à la fin de l’été, tant l’impression était forte que nous tenions là l’un des piliers futurs de la musique improvisée helvétique, suivie depuis 2018. À l’écoute de « When Everything Falls Into Place », qui ouvre Sueños Paralelos, on retrouve tout l’univers de l’artiste, fardé d’un onirisme qui n’empêche pas une certaine nervosité, tant dans la batterie de Lionel Friedli que dans les claviers toujours pertinents de Hans Peter Pfammatter, qui se combinent parfaitement avec le violon. Dans ce morceau, Laura Schuler psalmodie et va quérir à coup d’archets un point de fusion collective qui offre beaucoup de puissance à son orchestre.
C’est Tony Malaby qui clôt le line-up, en remplacement du précédent saxophoniste ; la rencontre avec Schuler avait scellé une amitié immédiate, et le ténor plein de velours est le contrepoint parfait aux décharges électriques du clavier. Avec « Easy », on découvre même une certaine légèreté voire une douceur émancipée de la noirceur coutumière des climats. Il y a dans le violon une quiétude qui offre davantage d’espace. On sait que Pfammatter et Friedli ont longtemps collaboré avec Manuel Mengis, et l’on en retrouve çà et là quelques bribes, notamment dans « One For The Dreamers » qui est le morceau le plus symbolique de l’album, et dans l’opiniâtreté des musiciens à construire un imaginaire fort avec une simplicité de chaque instant.
C’est la complicité entre les musiciens qui fait tout le charme de cet album très mature. Dans « Baby It’s Freejazz », qui referme l’album dans une joli dialogue entre saxophone et violon, on a même, grâce à la mécanique subtile de la rythmique, quelques graines plantées pour des aventures futures, Laura Schuler devenant soudain plus agressive à mesure que Malaby se fait plus vindicatif et que les synthés de Pfamatter tiennent une ligne qui pourrait être celle d’une contrebasse mutante. L’agitation présente est celle des réveils soudains, lorsque le rêve fait place à une énergie régénérée, qui s’exprime dans la voix de Schuler. Une corde de plus à l’arc d’une musicienne qui a confirmé son grand talent de la plus brillante des façons.