Chronique

Marc Ribot’s Ceramic Dog

Hope

Marc Ribot (g, voc), Shahzad Ismaily (b, key, voc), Ches Smith (dms, perc, elec, voc) + Darius Jones (as), Rubin Khodeli (cello), Gyda Valtysdottir (cello), Syd Straw (voc).

Label / Distribution : Yellowbird

Trois ans après YRU Still Here ? le trio de Marc Ribot livre son carnet du confinement. Ou après la colère du précédent disque et la déprime d’un enfermement, l’espoir qui revient, dans le studio Figure 8 du bassiste Shazad Ismaily, et voici Hope.

Un album enregistré à partir de la fin du mois de mai 2020, avec un protocole sanitaire conséquent. Rester éloignés les uns des autres, jusqu’à enregistrer sans se voir, se laver régulièrement les mains, prendre un maximum de précautions, échanger par micros et casques interposés, etc. Ceci afin de préserver les poumons déjà endommagés du bassiste.

La musique du trio poursuit les grands écarts qu’elle affectionne. L’ouverture de l’album, avec « B-Flat Ontology », amène les choses avec une certaine mélancolie. Un morceau qui parle de l’ennui, pour commencer. Le genre de titre qui nourrit l’imagination, qui se passe plutôt en interne. La suite, avec « Nickelodeon », ouvre les fenêtres pour regarder dehors et faire entrer le soleil avec un reggae/rocksteady qui fonctionne à merveille. La joie de se retrouver et de jouer ensemble explose sur « Wanna », un rock usé, avec un riff qu’on croirait sorti de la cuisine de Keith Richards.

Avec « The Activist », Marc Ribot se paie la tête des donneurs de leçon pleins de théories, mais qui ne mettent jamais les mains dans le cambouis. Du groove avec « Bertha The Cool », et un titre phare comme « They Met in the Middle », où l’on apprend qu’il existe bien des façons d’aller nulle part. Un titre avec Darius Jones au sax, un premier invité qu’on a vu et écouté aux côtés de William Parker, Craig Taborn, Jason Moran, Sun Ra, Matthew Shipp et bien d’autres. Trois autres invités passent sur le disque : Rubin Khodeli, Gyda Valtysdottir au violoncelle et Syd Straw aux chœurs.

« The Long Goodbye » est une de ces boucles qui montent en intensité, jusqu’à épuisement. « Maple Leaf Rage » est le petit bijou du disque. Le titre le plus long de l’album, en deux parties. D’abord un jeu subtil de contournements, de silences et d’espaces. Puis une deuxième phase qui taille dans le gras, sans aucune retenue et marquée par une rythmique très appuyée, jusqu’à la déconstruction du final qui se délite peu à peu. On se quitte avec « Wear Your Love Like Heaven », reprise de Donovan méconnaissable, dépouillée de son esthétique flower power pour être déclamée tel un poème sur fond de blues désabusé.

Il y a là un paradoxe. En dépit des distanciations physiques imposées, Hope est l’album le plus intime du trio, celui dans lequel les musiciens semblent plus proches et rassemblés que jamais. Peut-être pas si paradoxal, en fin de compte.