Chronique

Mark Turner

Lathe Of Heaven

Mark Turner (ts), Avishai Cohen (tp), Joe Martin (b), Marcus Gilmore (dm)

Label / Distribution : ECM

Mark Turner s’est fait connaître dans les années 90, notamment au sein d’un quartet où il côtoyait le guitariste Kurt Rosenwinkel, puis au sein du trio Fly qu’il forme avec Jeff Ballard et Larry Grenadier. On découvrit alors sa sonorité et son phrasé si singuliers, qui font de lui un digne héritier de Lennie Tristano ou Warne Marsh.

Pour ce nouveau quartet, il s’est entouré d’Avishai Cohen à la trompette, Joe Martin à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie, pour un premier album en leader chez ECM, label qu’il fréquente depuis quelques années déjà avec Fly ou sur les disques de Billy Hart et Enrico Rava. Précisons tout de suite que Lathe Of Heaven est un sommet dans sa discographie. Il y a tout d’abord ce style si personnel qui a encore pris de l’ampleur et s’est enrichi au cours des années. Au ténor, Turner est loin de tous les courants actuels : il entretient son univers propre avec une impressionnante droiture. Ensuite, son association avec Avishai Cohen est particulièrement heureuse. Tous deux partagent une même approche de la mélodie nourrie par une certaine étrangeté, une subtilité de tous les instants, loin de toute démonstration technique. Les échanges sont hypnotiques, les longues phrases s’étalent, résonnent, rebondissent, se déploient mais toujours avec sobriété. Cohen confirme ici qu’il est une voix majeure - qui ne bénéficie pas encore de la reconnaissance qu’il mérite - de la trompette actuelle, doué d’une technique parfaite, d’une sonorité profonde et d’une imagination sans limites. Enfin, il y a la paire rythmique, d’une souplesse et d’une inventivité stupéfiantes et qui, puissante et précise, porte le duo de soufflants tout en offrant un contrepoint qui est pour beaucoup dans l’absolue réussite du disque.

Lathe Of Heaven est une respiration, un point de vue passionnant et rafraîchissant sur le jazz contemporain. Turner signe ici une œuvre très personnelle avec un quartet à l’équilibre parfait, pour une musique qu’il faut se donner le temps de découvrir. Car ensuite, elle ne nous quitte plus.