Chronique

Mike Westbrook Brass Band

Goose Sauce

Mike Westbrook (p, eup) Kate Westbrook (vpc, fl, fhn) Phil Minton (voc, tp) Dave Chambers (ts) Paul Rutherford (tb, eup, voc) Nisar Ahmad « George » Khan (bs, ss, fl) Trevor Tomkins (perc)

Label / Distribution : Autoproduction

Il y a un an, alors que Mike Westbrook fêtait ses 85 ans, nous évoquions, à l’occasion de la sortie du Paris Album, le fait que le Mike Westbrook Brass Band n’était pas l’orchestre le mieux connu de la carrière de l’Anglais. Et déplorions, en creux, l’absence de réédition d’un des fleurons de sa pléthorique discographie, Goose Sauce, enregistré en 1978, seuls quelques imports japonais permettant de contenter le collectionneur curieux. Grâce à BandCamp et au travail d’archiviste de Mike & Kate Westbrook, nous pouvons enfin retrouver la verve des voix de Kate Westbrook sur le fameux « Alabamasong » de Kurt Weil, étendu et déconstruit, et de Phil Minton, incroyable de présence sur « Wheels Go Round ». L’énergie du septet, où l’on découvre le travail au baryton de Nisar Ahmad Khan, propulse cet album dans une sorte de fête permanente que l’écriture de Westbrook entretient.
 
Connu pour la théâtralité de sa musique, Mike Westbrook pose avec Goose Sauce les jalons de ses brillantes années 80. Un an avant Mama Chicago, le propos de « Gooseflesh » est clair et instille un langage qui va être durablement celui du couple anglais, de The Cortege à ce que l’on entend dans Catania, à l’orée des années 90. On retrouve, dans le ténor incandescent de Dave Chambers ou dans le trombone très mélodiste de Paul Rutherford, la révérence pour Duke Ellington et le goût pour les musicals. Une intelligence rare aussi dans l’écriture qui tutoie parfois la pop pour mieux la défier, avec une droiture qui ne chasse pas un humour omniprésent… Et même quelques prémices du travail que la plupart des membres de l’orchestre réaliseront sur Rossini huit ans plus tard.
 
Goose Sauce, chaînon manquant d’une discographie sans fausse note ? C’est en tout cas un disque dont on a du mal à se passer quand il s’est emparé de nos oreilles. On peine à comprendre, une fois de plus, que cet orchestre, qui venait de terminer une tournée avec Henry Cow et offrait une musique audacieuse et d’une grande modernité, n’ait pas été célébré à l’époque autrement que par un succès d’estime. Le Westbrook Brass Band est une mécanique de précision rare qu’il convient de découvrir, si ce n’est encore fait. La pétulance et la saveur de Goose Sauce, relevée à souhait, sont de nature à vous faire aimer la discographie entière ; ce serait un crime de ne pas céder.

par Franpi Barriaux // Publié le 6 mars 2022
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