Scènes

Odeia à l’Almendra (Rouen)


Odeia n’était jamais venu jusqu’à Rouen. Le quartet parisien n’a pas eu de mal à remonter la Seine : ce ne sont pas les traversées ni les Escales qui les affolent, même si leurs destinations électives les emmènent naturellement en direction l’Est et le Sud. Vers les rives dentelées des îles méditerranéenne. C’est idéal, puisque c’est la Sauce Balkanique, institution normande des musique d’Europe Centrale pour une soirée où les archets étaient de sortie.

L’occasion de découvrir un orchestre qui mêle avec beaucoup d’inventivité le succès du premier album avec quelques touches d’un nouveau répertoire. Au menu, toujours des cordes sensibles ; la mer, l’amour, la mort. On additionnera la lutte, qui résonne en sympathie des trois autres et s’épanche dans la reprise de « Plaintes » de Prévert et Kosma, où la contrebasse de Pierre-Yves Le Jeune sonne le glas pendant qu’Elsa Birgé porte un espoir infini.

Elsa Birgé © Franpi Barriaux

On pourra avancer que ces thèmes sont bien sombres, mais la chanteuse leur donne un éclat troublant, en se livrant pleinement dans chaque histoire contée par les chansons, portant une attention particulière à l’interprétation, aux toniques des accents et à la narration… C’est du jeu dans son sens le plus théâtral, auquel s’ajoute une pointe d’humour piquant, notamment dans la relation forte qu’elle entretient avec le violoncelle de Karsten Hochapfel. De voix à voix… Et c’est peu dire qu’elles sont belles.

Quatre cordes, c’est adéquat pour les musiciens qui l’accompagnent. Elles permettent tous les voyages. Cela commence en Grèce autour d’un verre d’Ouzo, perdure en Sardaigne et se termine chez les tziganes russes, ce magnifique « Loubia » qui est la charge finale d’une émotion qui sature le petit théâtre de l’Almendra. Le violoniste Lucien Alfonso, impressionnant de bout en bout et le violoncelliste (qui passe également régulièrement à la guitare, quelle soit portugaise ou pas) ouvrent à l’envi les latitudes.

Les improvisations qui rappellent que tout ce petit monde, s’il aime prendre la route des balkans, vient nativement du jazz. Une origine qui ne se dément pas, et surtout qui n’exclut rien. En témoigne l’envolée électronique sans fil ni courant où Elsa répète comme un sample une phrase droite extraite d’un chœur bulgare. Mieux encore, cette visite de Wyatt, séduisant « Alifib », où Hochapfel est en son jardin canterburyen. Le second album nous tarde. Il arrive.