Chronique

Pierre Durand

Chapter III : The End & The Beginning

Pierre Durand (elg), Fred Escoffier (Rhodes, synth, vocoder), Jérôme Regard (elb, effets), Marc Michel (dms, elg).

Label / Distribution : Les disques de Lily

Musicien actif qu’on peut croiser sur la route du tromboniste Daniel Zimmermann (qu’il s’agisse d’escalader avec lui des Montagnes Russes ou d’imaginer L’homme à tête de chou In Uruguay) ou au sein de l’ONJ de Frédéric Maurin afin de rendre hommage à Ornette Coleman, Pierre Durand ne nous avait pas donné rendez-vous avec sa propre histoire du jazz depuis un bon bout de temps.

Il faut remonter en effet à l’année 2015 pour lire ou relire le deuxième chapitre d’une série de sept (voire un peu plus) que le guitariste a décidé de consacrer aux musiques qui l’habitent depuis son enfance. Et comme il le souligne dans l’entretien qu’il nous a récemment accordé, avec la permanence du blues, hors des modes, toujours présent en lui. Après une aventure solo en Louisiane, berceau du jazz (NOLA Improvisations) puis une incursion voyageuse dans une formule en quartet classique (guitare, saxophone, contrebasse, batterie), ¡Libertad !, le voici qui aborde avec Chapter III : The End & The Beginning, paru chez Les Disques de Lily comme ses deux prédécesseurs, d’autres rivages, ceux d’une pop music dont il veut approcher la qualité de son modelage sonore en même temps qu’il recherche l’énergie du rock et l’interplay du jazz.

On aurait bien tort de considérer d’un œil un peu condescendant cette exploration des univers dont Pierre Durand a pu se nourrir depuis de longues années, tels ceux de Sting, Michael Jackson, U2, Pink Floyd, Madonna ou David Bowie. Jamais cités, il faut le préciser, mais présents en filigrane dans ce disque mitonné avec un soin presque maniaque en compagnie des amoureux des textures que sont Fred Escoffier, musicien créateur d’une grande imagination aux claviers, Jérôme Regard à la basse dont l’influence a été déterminante en ce qu’il a permis au guitariste d’entendre le son qu’il recherchait, et Marc Michel à la batterie et à la guitare. C’est un autre quartet, qui parvient parfaitement à prendre la lumière.

Le sommet du disque est peut-être la composition dont le titre, « Bowie », ne laisse aucun doute quant à celui qui est le destinataire de l’hommage. Écoutez-la attentivement, vous pourriez être étonnés : pas une seule fois la moindre ligne mélodique de l’Anglais n’est citée et pourtant, le chanteur est là, tout proche, c’est lui qu’on croit entendre. Belle performance ! « C’est effectivement le but et le défi que je me suis lancé : chercher à attraper l’esprit Bowie plutôt que reprendre du Bowie. Cela a pris plus d’un an, entre les deux premières mesures du thème qui me sont venues d’un coup et les dernières notes de la composition. J’ai écouté son phrasé, sa gestion des silences, la manière brutale qu’il avait en tant que compositeur de passer d’un couplet à un refrain ou un pont ».

En 45 minutes enluminées, Pierre Durand – son jeu est un enchantement permanent tant les variations de ses couleurs sont séduisantes – accomplit un travail d’un orfèvre dont le lyrisme ne serait pas la moindre des qualités. Voilà un disque qu’on n’hésitera pas à qualifier d’heureux, d’une grande maîtrise tant technique que mélodique, et qui nous parle en toute sincérité d’un amour inconditionnel pour toutes les musiques, à condition qu’elles soient – et c’est bien le cas ici – fiévreuses.