Chronique

Charley Rose Trio

Dada Pulp

Charley Rose (ts), Enzo Carniel (p, synth), Ariel Tessier (d, perc).

Label / Distribution : Menace

Les doux dingues qui composent ce trio renouent avec les velléités dystopiques et néanmoins jazzistiques déjà présentes sur leur premier album. Si ce n’est que, pour ce second disque, le saxophoniste Charley Rose s’exprime au ténor, donnant une tessiture plus ample à sa palette instrumentale. Il a également convié un contrebassiste à rejoindre le groupe sur trois titres, ainsi qu’une chanteuse pour un titre. Son jeu, plus vertical que jamais, déploie des ondes polyphoniques à partir de la superposition de cellules mélodiques et rythmiques, créant des surprises poétiques au détour de ses phrases. Il a trouvé en Enzo Carniel et Ariel Tessier les partenaires idéaux pour évoquer les univers de Charles Bukowski et Jean Dubuffet, qui ont été parmi les principales sources d’inspiration de ses créations. Même si l’on décèle, et c’est heureux, une connaissance intime des standards, comme le prouve notamment la citation des premières notes de « If I Were A Bell » en prélude à l’une des compositions.

Du romancier poète américain, peut-être hélas plus connu pour ses frasques alcooliques que pour la qualité de ses écrits, ils adoptent la posture de l’excès, jusque dans la présence d’interjections au détour de certains titres. Ce « Bat Bi Hiru Lau », qui signifie « un, deux, trois, quatre » en basque, serait-il un écho de la jeunesse du leader dans les Pyrénées Atlantiques… où les fêtes sont pour le moins alcoolisées ? Du plasticien français, ce sont les propositions « déconstructives » qu’ils retiennent, nimbant leur jazz contemporain des atours de l’art brut avec des effets subliminaux utilisés par le saxophoniste ou des basses synthétiques aux velléités organiques proposées par Carniel.

La musique semble tituber sous l’effet de séquences collectives rehaussées par une batterie chamanique et un piano aux atours impressionnistes et néanmoins très bop, quand le sax déroule des volutes hypnotiques. Sans jamais se départir d’un désir d’émancipation tous azimuts par des émotions exacerbées et avec une sacrée dose d’humour – « Dada » oblige.