Chronique

Quatuor Viret / Viret & Sakaï

Le Nécessaire Déséquilibre des choses - L’AlbumS / Fin’Amor

Jean-Philippe Viret (cb), Mathias Lévy (vl), Bruno Ducret (vlcl), Maëlle Desbrosses (alto) / Jean-Philippe Viret (cb), Atsushi Sakaï (viole de gambe)

Label / Distribution : CC Productions

A partir d’extraits du livre de Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, la Compagnie Les Anges du Plafond présente un spectacle de marionnettes dont le contrebassiste Jean-Philippe Viret a écrit la musique. En papier recyclé, les poupées animées par des marionnettistes qui ne cherchent pas à se dissimuler invitent à un spectacle dans lequel l’art et sa technique invitent à la rêverie.

Il en va de même pour l’écrin servant de pochette au disque. En complément du spectacle, un livre-objet, conçu par Camille Trouvé, propose une succession de textes brefs et d’illustrations. Le soin porté à sa réalisation, les divers matériaux de papier, à grain épais ou transparents, le transforment en une matière concrète qui valorise son contenu. Un trou, par exemple, le traverse en son milieu et concrétise l’absence (qui est un des thèmes majeurs, de même que l’amour) mieux que n’importe quel mot. Des origamis s’ouvrent au moment de tourner les dernières pages et le CD lui-même est caché dans un savant agencement de pliages.

Quant à la musique, elle est celle d’un quatuor et celle de Jean-Philippe Viret. On y retrouve son intérêt pour les cordes et sa manière de les faire sonner. Les quatre musiciens (le contrebassiste est accompagné de Mathias Lévy, Bruno Ducret et Maëlle Desbrosses) accompagnent les scènes du spectacle mais le répertoire se suffit aussi à lui-même. Le programme, varié mais équilibré, privilégie le son rond et gracieux. Avec un soin porté aux mélodies savantes et délicates, ils confèrent une noblesse supplémentaire, et une émotion certaine, à un projet global réussi.


Et puisque Jean-Philippe Viret ne se limite pas à un seul projet, le voici qu’il propose, par ailleurs, un duo original. Il interprète Fin’Amor au côté d’Atsushi Sakaï qu’on a connu notamment dans le trio de Christophe Monniot MIR ou encore dans le Quatuor IXI. Sauf que cette fois, le violoncelliste est à… la viole de gambe. Sur des compositions de Guillaume de Machaut, Johannes Simon de Haspre et Thomas Tallis ainsi que des partitions écrites par le duo, la musique réunit des univers a priori dissemblables.

La forte coloration de la viole de gambe plonge immédiatement l’oreille dans une Renaissance et un Baroque fantasmés que soutient une contrebasse élégante. Pourtant, avec quelques décrochages discrets, des dissonances bien placées et des rythmiques plus contemporaines, le duo emprunte des chemins nouveaux aux paysages connus seulement en apparence, puisque l’itinéraire est singulier. La complémentarité des cordes fonctionnent avec osmose et invite à une musique délicate et intemporelle où le croisement d’esthétiques différentes n’est jamais de l’ordre de l’artificiel.