SPIME 2019

Yoram Rosilio (b, comp) est un intrépide : rien ne l’arrête et surtout pas les projets fous. Il a publié sur son label LFDS (le fondeur de sons) de nombreux enregistrements où il multiplie les défis. L’un de ses groupes, un « grand format », a pour nom un quasi-manifeste : Anti Rubber Brain Factory. Exit tout formatage de l’esprit ! Avec cette formation il a renouvelé les grandes célébrations de la liberté chères à Mingus (encore un bassiste-compositeur) mais en franchissant les barrières que ce grand aîné s’imposait.
Pire, il va réunir deux grandes formations, l’ARBF et la fine fleur de la musique gnawa du Maroc, Hmadcha, avec cette intuition que ce qui allait devenir le jazz y avait aussi quelques racines. Des albums surprenants et somptueux. Bien d’autres aventures encore, dans les traditions hassidiques, gréco-balkaniques ou mexicaines, avec un cran et une sensibilité qui laissent rêveur.

Il choisit ici de réunir treize clandestins de la musique (des refondateurs ?), en les cherchant au Portugal, au Danemark, en Italie, et naturellement dans l’Hexagone.
Le manifeste de ce projet est affiché : « travailler contre le lobby intergalactique des consciences formatées, et provoquer des liens d’échanges, d’aides mutuelles par une musique libre, créative et collective ». D’où le titre de l’album : « Cosmic and Spontaneous Gestures ». D’ailleurs, huit des seize titres sont des improvisations collectives, les huit autres étant des compositions de Carlo Mascolo (tb), Mia Dyberg (as), Jonathan Aardestrup (b) et de lui-même.

L’ouverture de l’album est tonitruante ; elle fait le lien avec l’explosion libertaire du premier Free. La courte composition de Mia Dyberg (0:20) est le tremplin de « Flussi Condotti », une improvisation d’un trombone fouineur en verve (Carlo Mascolo), des rafales puissantes sur les cordes de la contrebasse de Yoram Rosilio et des crépitements subtils de Marcello Magliotti (dm).
La courte pièce suivante, « Tension » de Carlo Mascolo, est une sorte de drone aux timbres chatoyants se poursuivant par un motif de la basse. Ce dernier ouvre la composition suivante, datant de 2008 et due à Yoram Rosilio, « Zahrtot », avant l’ensemble de l’orchestre qui expose le thème, une même phrase répétée. S’ensuit un duo basse-batterie nerveux, crépitant, ponctué par des tutti décalés rappelant ledit thème et par des efflorescences rebelles de cuivres. Une gourmandise suivi d’une quasi-douceur évanescente, un duo Mestre (g)-Aardestrup (b) : « Dugvåd ».
On retrouve Niels Mestre en duo, cette fois avec Carlo Mascolo dans une improvisation toute de sons brouillés et de graves vrombissements nasillards. Une sorte de stase aux micro-variations, « Magma ».

On l’aura compris, tout au long de l’album des regroupements d’instruments s’opèrent pour apporter de nouvelles couleurs, de nouveaux frissons.
Impossible de focaliser sur toutes les pièces ni sur chacun des artistes. Ce collectif est brillant ; il navigue entre Free et musique improvisée, entre délicatesses et explosions de timbres. Il accroche d’emblée l’attention et sait installer le sourire d’écoute. Un beau rejeton du Fondeur de Sons.
Je propose l’écoute de la composition de Yoram Rosilio, Zarhtot.