Chronique

Stéphan Oliva, Bruno Chevillon, Paul Motian

Intérieur Nuit

Stéphan Oliva (p), Bruno Chevillon (b), Paul Motian (d)

Label / Distribution : Night Bird Music

Après Fantasm il y a 2 ans, revoici le trio Oliva/Chevillon/Motian pour un enregistrement live, cette fois ci.

Après des débuts confidentiels, le pianiste Oliva s’est fait connaître pour son trio Jade (avec Chevillon et Merville), et par ses relectures avec Stéphane Raulin de Lenny Tristano. Puisqu’on évoque ce dernier, le présent enregistrement est pour une partie sous son influence pour les architectures angulaires et heurtées.
Bill Evans pourrait en être l’autre pour les climats impressionnistes.
Intérieur Nuit ( pour faire suite à l’Intérieur Jour qui ouvrait le premier disque de ce trio) présente donc un côté dualiste, mais pas uniquement. Sa richesse est étonnante.

Sur les tempos moyens, le jeu se fait sans cesse en avance ou en arrière du temps, et ceci de manière rapide, mais lisse. Paul Motian n’énonce pas le tempo, mais joue continûment une sorte d’affolement de rythmes secs.
Cela provoque un sentiment d’urgence, d’insécurité très étonnant, comme des oscillations sur lesquels Oliva joue de façon net, mais paradoxalement flou.
Intérieur Nuit donne aussi une musique à la conception cinématographie ou picturale. Plutôt dans le genre travelling lent, ou scènes apaisées.
Mettre des couleurs bleues sans chercher le blues. En laissant suffisamment de zones imprécises, de flous pour que cela se dérobe dès que l’on a cru en saisir la globalité.

Quand une ballade semble suspendre le cours du temps, qu’elle rejoint notre intériorité, et se fait recueillement, c’est un chef-d’œuvre.
Le précédent et magistral opus en contenait un absolu « Graves », dont on retrouve ici le prolongement dans « Préface ». Voira aussi l’ambivalent (entre inquiétude et tranquillité) « The sunflower » du batteur ou encore une magnifique reprise de « My Man’s Gone Now ».

Que retenir alors ? Qu’Oliva est un immense pianiste, qu’il va continuer à creuser sa voix au-delà de la mode, que Chevillon est décidément un indispensable pilier de ce qui se fait de passionnant aujourd’hui, et que Motian s’il s’en donne la peine peut toujours faire abstraction de sa « petite » technique, pour colorier, commenter le jeu de manière souvent inattendue.
Un très grand disque.