Scènes

Anglet fait le plein de jazz

Le festival de jazz d’Anglet étire l’été.


Paul Lay et Sylvain Luc © Pierre Vignacq

Qu’il fait bon aller traîner du côté d’Anglet en septembre ! En tout cas pour qui débarque de ce côté-ci de la côte atlantique, on hume un parfum de vacances d’été qui s’étirent sur le mois de septembre. Et il y a plein de jazz.

Le festival a démarré un jeudi, jour d’un match France-Uruguay de Coupe du Monde, et on est effectivement un poil déçu par la fréquentation. Dans une salle - fort belle par ailleurs - autour de 500 places, on évalue a vista de nas la fréquentation à la moitié. C’est dommage puisque l’affiche est franchement alléchante.

Mowgli © Pierre Vignacq

Mowgli, trio toulousain qui émarge sur le label hongrois BMC et dont les deux albums - Ivre de la jungle et Gueule de boa - sont de très belles choses, ouvre le concert. La formation sax, batterie, claviers, respectivement tenus par Ferdinand Doumerc, Pierre Pollet et Bastien Andrieu, navigue dans un jazz aux accents techno, électro, quelquefois plus rock, développé dans un continuum fait de transe et d’allers-retours entre des moments presque rubato et d’autres beaucoup plus syncopés.
La seconde partie est totalement différente avec, au centre, Laura Prince dont le patronyme lui va à merveille, tant elle est souveraine sur scène. Aux côtés de la chanteuse, on trouve Tilo Bertholo, Inor Sotolongo, Zacharie Abraham et Grégory Privat, une belle équipe. Quant au concert, ce fut un tour de chant autour du Togo - Laura Prince voulait en faire partager toutes les saveurs - dans une veine classique et mené avec classe.

Le lendemain, des habitués du festival étaient sur les planches du Quintaou. D’abord Pierre de Bethmann avec une formule peu commune d’instruments harmoniques piano, guitare, basse. Nelson Veras (guitare) et Florent Nisse (contrebasse) l’ont accompagné dans un répertoire de standards nord-américains avec notamment « Love For Sale » de Cole Porter, suivi immédiatement de « Thingin’ » de Lee Konitz. Mais on trouvait aussi « Olha Maria » de Tom Jobim ainsi que le second mouvement de la 7e Symphonie de Beethoven. Un concert réalisé avec beaucoup d’élégance.

Laurent Coulondre nonet © Pierre Vignacq

Puis Laurent Coulondre s’empare du Quintaou. Aux manettes de son nonet Meva Fest et avec l’énergie électrique qu’on lui connaît, il fait vibrer le théâtre de toutes les couleurs du monde latino-américain. Les souffleurs en front de scène, augmentés de Laura Dausse à la voix, la basse électrique et les deux batteurs-percussionnistes, Inor Sotolongo et Adriano Dos Santos Tenorio, tous contribuaient, au-delà du relief qu’un groupe de cette taille peut donner, à faire de cette musique une éclatante et percutante farandole. C’est peu dire que cette vitale oxygénation coupa le souffle d’une salle quasiment pleine.

Le samedi - comme bon nombre de festivals qui s’étirent sur une semaine ou un long week-end - est la journée phare et, à Anglet, les organisateurs n’ont pas fait les choses à moitié en invitant le duo de Paul Lay et Sylvain Luc puis le sextet d’Emile Parisien. De grands noms, bien entendu, mais avec cette caractéristique d’une médiatisation qui n’affecte nullement la qualité musicale de leurs projets. Il est d’ailleurs vivifiant que des musiques exigeantes bénéficient d’une relativement large couverture médiatique.

Sylvain Luc est un peu l’enfant du pays. À ses côtés, avec vingt ans de moins et un CV qui s’enrichit à grande vitesse, Paul Lay est venu en voisin de palier : le pianiste est originaire du Béarn. Mais peu importent ces considérations géographiques. Sur la scène du Quintaou, ils proposent une première : un set constitué de trois parties, une première en piano solo, une deuxième à la guitare solo et une troisième en duo. Le répertoire va de Beethoven à Earth, Wind and Fire, en passant par « Nardis » et « All Blues » de Miles Davis ou encore « Besame Mucho » ainsi que deux traditionnels basques. Une création en douceur à laquelle était suspendue une salle pleine à craquer, un grand moment de musique.

Émile Parisien © Pierre Vignacq

Puis arrive Émile Parisien accompagné de Roberto Negro (p), Florent Nisse (b), Yoann Loustalot (tr), Manu Codjia (g) et Gautier Garrigue (d). Un line-up qui n’a rien d’inhabituel puisque ces six-là croisent le fer ensemble régulièrement, mais de très grande qualité. L’exécution de l’album Louise, autour duquel est axé le concert, donne lieu à une succession de fulgurances, même lorsque les morceaux se font plus tendres à l’instar de « Memento ».

Quelques-un·e·s quittèrent la salle avant l’heure, peut-être parce que c’était quasiment la première fois que le festival glissait vers une programmation un peu plus crissante. Reste que la dissonance venait surtout de ces mal-embouché·e·s qui ne conçoivent le Ré que suivant le Do…

Le dimanche, les concerts se déroulent dans le parc de Baroja. Belle étendue d’herbe, peuplée de nombreux arbres majestueux, dans laquelle le public, en famille ou entre amis, pique-nique et papote au gré des trois concerts qui se succèdent. Cette fois, l’orage menaçant a raison de cette organisation bucolique. Tout se fait donc à couvert. L’ambiance en pâtit, l’écoute du public y gagne. On ne le dira jamais assez : tout est question de focale.