Un tentet avec son d’ensemble réjouissant, des compositions variées et un leader qui laisse la parole à ses hôtes, voila un album qui mérite une attention particulière. Evolver révèle ses subtilités par une écriture enrichie par des solistes de premier plan.
Les premiers gigs du contrebassiste Bruno Råberg se firent sous l’aile protectrice de l’un des musiciens suédois fameux, le tromboniste Eje Thelin, pilier des musiques d’avant garde. Très vite, des improvisateurs européens, parmi lesquels le violoniste Zbigniew Seifert, le pianiste Bobo Stenson, deviennent les partenaires musicaux de choix. Depuis une quarantaine d’années, Bruno Råberg a quitté la Suède afin de poser ses valises et sa contrebasse aux États-Unis au New England Conservatory à Boston où il étudie avec l’arrangeur George Russell et le contrebassiste Miroslav Vitous. L’élève rejoint vite ses maîtres puisqu’il devient à son tour enseignant à Berklee. En parallèle, il enregistre sous son nom une musique faite d’exigence aux côtés de Mick Goodrick, Chris Cheek, Ben Monder, Bob Moses.
L’écriture qui traverse les différentes séquences d’Evolver se pare d’impressionnisme comme dans « Peripeteia » où l’intervention soliste de Bruno Råbderg installe d’entrée un raffinement imposant. La structure de cette composition évoque par instant What Goes Around, enregistrement en Big Band d’un autre contrebassiste de renom, Dave Holland. Entre la tradition carnatique indienne et les sons hiératiques hérités de Gil Evans, « Mode Natakapriya » laisse filtrer une mélodie où la trompette de Peter Kenagy et le saxophone ténor de Stephen Byth se laissent porter par les sons aériens des flûtes. Les thèmes se différencient par des arrangements sophistiqués qui offrent une émancipation pour les solistes, « Sunday » en est le parfait exemple, à la fois entêtant et désinvolte. Successivement, le piano d’Anastassiya Petrova, les flûtes de Fernando Brandão, la guitare de Nate Radley et le trombone de Randy Pingrey se surpassent et enrichissent l’esthétique générale. La suite en quatre épisodes, « Echos » se veut plus expérimentale, donnant l’occasion à Kris Davis de s’engager dans une abstraction sonore avec son piano préparé. Les troisième et quatrième mouvements témoignent d’une inventivité étoffée par des intrusions atonales qui revigorent la musique. Cette dernière partie orchestrale laisse présager de nouvelles compositions excitantes de la part de Bruno Råberg.
Conjointement à cet orchestre aux sonorités luxuriantes et magistralement dirigé, Bruno Råberg vient d’éditer un album épuré, Solo Bass- Look Inside qui témoigne de sa faculté à pratiquer un grand écart musical.