Chronique

Claude Tchamitchian Quartet

Vortice

Catherine Delaunay (cl), Christophe Monniot (as, sss), Bruno Angelini (p), Claude Tchamitchian (b).

Label / Distribution : Emouvance

« La nostalgie n’est plus ce qu’elle était », disaient certains autrefois. Pourtant, à l’écoute de ce tourbillon signé Claude Tchamitchian, on aurait tendance à penser qu’elle pourra vous guider vers ce qu’il y a de meilleur. Le contrebassiste nous invite en effet à plonger avec lui dans ses souvenirs d’enfance et plus particulièrement les fêtes populaires et le cirque qui constituaient pour lui de solides points d’ancrage, sources d’émerveillement pour les yeux et les oreilles. Bien sûr, il y a dans son Vortice un petit côté fellinien, mais il s’agit ici d’un film sans images autres que celles projetées par son imagination et la nôtre.

Autant de suggestions portées par une formation qui parvient à exprimer au plus près toute la gamme des émotions liées à un passé certes révolu mais toujours vivant dans l’expression d’une musique dont la vibration forte tend un fil invisible entre passé et présent. Aux envolées très charnelles et habitées de Christophe Monniot (saxophones) et Catherine Delaunay (clarinette), formidables l’un et l’autre, répond le jeu ample de Bruno Angelini, tout aussi lyrique qu’entêtant. Ce musicien qui vient de révéler quelques secrets supplémentaires dans son dernier disque en trio, Lotus Flowers, est un tourbillon à lui tout seul. Notre manège à nous, c’est lui, pourrait-on dire… On notera par ailleurs avec beaucoup d’intérêt la présence du piano dans l’univers onirique du contrebassiste. Car si Claude Tchamitchian fréquente de près les touches noires et blanches de son compagnon Andy Emler depuis de très longues années, il n’avait pas fait appel à cet instrument à l’occasion de ses derniers projets. Et on se réjouit de constater que le contrebassiste, entouré d’un tel trio, trouve ici un terrain d’expression idéal, libérant l’énergie de ses cordes entre pulsion profonde et chant de l’âme.

Nouvelles couleurs, nouvelles textures, mélodies chatoyantes empreintes d’une mélancolie heureuse (qu’on nous pardonne cette formule oxymorique), sens aigu de la narration qui rend chaque seconde passionnante, élans collectifs et interventions solistes d’une grande intensité. Autant de beautés qui font de Vortice un disque vers lequel on revient presque comme par nécessité, sans doute parce qu’il satisfait pleinement notre besoin de rêve aujourd’hui battu en brèche par les vicissitudes du monde contemporain. Alors rêvons avec Claude Tchamitchian.