Chronique

Hubert Dupont

Sirocco

Christophe Monniot (as, bs, ss, fx, lyr) Hubert Dupont (b), Théo Fischer (elec, fx)

Label / Distribution : Ultrabolic/Musea

Hubert Dupont nous parlait il y a quelques mois de Kartet, un orchestre qui définit pleinement son jeu à la fois complexe et efficace. Mais Dupont n’est pas musicien à se contenter d’une seule flèche dans son carquois : on le sait depuis ses aventures au cœur du bassin méditerranéen et ses excursions subsahariennes. Le contrebassiste, qui ne rechigne pas à s’électrifier, est toujours à la recherche de la pulsation, du rythme nouveau, de la proximité avec la danse. C’est ce qui l’a amené à travailler en trio avec Steve Argüelles et Antoine Berjeaut. C’est ce qui l’avait conduit à travailler avec Mike Ladd sur VoxXL ; c’est ce qui l’incite à travailler régulièrement avec des danseurs. Tel est Sirocco, son nouveau projet qui invite le danseur Smaïl Kanouté à interpréter la musique d’un trio inédit, né de la chaleur du vent et de sa dynamique.

Pour accompagner Hubert Dupont, c’est le saxophoniste Christophe Monniot qui se charge du souffle ; une approche cristalline, faussement fragile, qui tutoie une forme très classique sur le beau « Sable », lorsque Dupont troque la basse électrique pour l’archet de sa contrebasse. Sirocco est l’éloge du mouvement, une danse qui peut prendre des allures plus urbaines et plus dures lorsqu’entre en jeu l’électronique de Théo Fischer. Avec « Alto Mare », alors que c’est à nouveau la basse électrique qui vient densifier le propos, l’électronicien offre toute une gamme de rythmiques puissantes, lorgnant vers les polyrythmies africaines. Mais le travail de Fischer ne se réduit pas à celui d’un beatmaker : la plupart du temps, et même dans « Shehli » qui a pourtant son lot de boucles, c’est à force de nappes et de travail sur le son que Fischer parvient à donner à ce Sirocco toute sa chaleur.

Dédié à la danse, on pourrait imaginer que Sirocco est indissociable de l’image et des corps en mouvement ; il est vrai que parfois, les sons datés de Monniot au Lyricon trouvent leur justification dans le travail de Kanouté. Mais il suffit d’un morceau comme « Oguele » ou « Dribble », sans doute la plage la plus intéressante de cet album, pour nous figurer la danse à mesure de l’écoute. Sirocco est un disque foisonnant qui illustre bien le plaisir du mouvement et le rapport au corps qu’entretient la musique d’Hubert Dupont, décidément jamais à court de surprises.

par Franpi Barriaux // Publié le 8 janvier 2023
P.-S. :