Chronique

Dan Weiss Trio

Dedication

Jacob Sacks (p), Thomas Morgan (cb), Dan Weiss (dm, tabla)

Label / Distribution : Cygnus Records

L’énergie circulaire a du bon. Dan Weiss publie son quatrième album en trio et le moins que l’on puisse dire est qu’il y a mis tout son être, ce qui n’est pas étonnant : Dedication est une offrande faite à des personnes qui ont marqué la vie de ce batteur.

Fort bien entouré par Jacob Sacks au piano et Thomas Morgan à la contrebasse, Dan Weiss réussit là où beaucoup se cherchent : comment ne pas engendrer un trio de plus qui tomberait dans les travers du genre ? Vaste considération si l’on sait que des centaines de musiciens doués s’attaquent à ce genre musical. Bien souvent, l’esprit de Bill Evans ou de Keith Jarrett s’immisce dans les nombreux enregistrements publiés aux quatre coins du monde. Nous tenons ici la parfaite illustration d’une recherche stylistique qui est identifiable rapidement, gage d’originalité.

Les compositions sont signées de Dan Weiss, qui s’émancipe après avoir accompagné brillamment des références telles que Lee Konitz ou Rudresh Mahanthappa. Ses dédicaces ont toutes un parfum extatique : de prime abord, la frappe binaire et énergique surprend, mais il faut peu de temps pour se rendre compte que ce jeu puissant permet au pianiste de s’envoler avec beauté. Les tempos sont changeants, hachés, donnant ainsi la couleur particulière de l’album. Nous sommes souvent dans un registre médium grave. La contrebasse mérite une écoute particulière : elle est la base solide et organique.

« For Vivienne », dédié à la fille de Dan Weiss, née le 13 septembre 2016, est un modèle de beauté, une apologie de la suggestion musicale. « For Nancarrow », en l’honneur des études pour piano de Conlon Nancarrow, permet de goûter l’inventivité de Jacob Sacks qui se voit également attribuer une dédicace personnelle fort réussie. L’un des sommets de l’album est « For Andrei Tarkovsky » avec ce climat impressionniste surgi du XIXè siècle. Toutes les dédicaces sont mûrement réfléchies et nous atteignent : de George Floyd à Elvin Jones, ce sont les sentiments humains que Dan Weiss nous fait partager. Son drumming s’expose tout d’abord aux balais pour vite dériver sur une frappe déterminante dans « For Bacharach », dédié au pianiste qui subjugue Dan Weiss, en particulier lors des duos en compagnie d’Elvis Costello.

L’objectif est atteint par ce trio très soudé et l’on constate combien les compositions de Dan Weiss sont toniques. L’héritage de son expérience jazzistique parle tout autant que sa parfaite connaissance des rythmes indiens et des tablas acquis avec Pandit Samir Chatterjee. Envoûtement garanti.