De The Endless Summer à Radiation 10 en passant par Jeanne Added
The Endless Summer (Thomas de Pourquery) au Petit Bain, Radiation 10 (Coax) au Studio de l’Ermitage, et Jeanne Added en duo avec Marielle Chatain en première partie des deux soirées.
The Endless Summer (Thomas de Pourquery) au Petit Bain, Radiation 10 (Coax) au Studio de l’Ermitage, et Jeanne Added en duo avec Marielle Chatain en première partie des deux soirées.
Sous l’eau ou sur la terre, Jeanne Added n’en finit pas de traverser les styles et les lieux : à la péniche Le Petit Bain dans le XIIIe arrondissement de Paris, au pied de la BNF, en première partie de The Endless Summer (le 21 novembre) ou au Studio de l’Ermitage, sur les hauteurs de Ménilmontant, en première partie de Radiation 10, le big band de la coopérative de musiciens Coax (le 23 novembre). D’un côté, du rock farcesque, de l’autre, du jazz expérimental, et entre les deux, Jeanne Added (voix, basse) et sa nouvelle acolyte Marielle Chatain (claviers, voix et saxophone baryton), qui marchent sur une ligne aussi épurée qu’exigeante. La proposition est radicale et l’accueil tout autant : on aime ou on n’aime pas. Elles ont d’autant plus de mérite que, funambules, elles avancent sur un fil tendu, mélange de force et de fragilité. Complètement à nu, le duo chante des poèmes épurés qui tirent vers les graves et produisent des vibrations qui visitent les entrailles. On leur pardonne immédiatement toute erreur, car cela fait partie du jeu, mais leur musique exige un son parfait, qu’elles ont eu au Studio de l’Ermitage, comme d’habitude, mais pas au Petit Bain. Jeanne Added vient du jazz et fait du rock, comme Thomas de Pourquery, qui célébrait la sortie du premier disque de The Endless Summer, tout nouveau groupe né sur les cendres de Rigolus.
L’été qui ne meurt jamais, ou l’éternel show de Thomas de Pourquery, sur scène avec cuir, Ray-ban et collier de perles noires. Voix sensuelle, aussi à l’aise dans les graves que dans d’impressionnants aigus, il est la locomotive d’un numéro de revue, avec lumières et choristes (trois sur le disque : Marie Menand, Lucrèce Sassella, Karine Sérafin, elles étaient deux sur scène). Avec eux, deux batteurs, Nicolas Larmignat et Gaël Chosson, un bassiste, Stéphane Decolly, et un saxophoniste, Fabrice Theuillon (aussi aux claviers de temps en temps). Ça danse, ça chante, ça hurle, on ne sait plus bien si notre verre est à moitié plein ou à moitié vide, voilà que Thomas de Pourquery nous demande de répéter après lui : « yeah », « yo », puis « »… ? Mais qu’est-ce que c’est que ce mot ? Silence dans la salle, ils reprennent aussitôt, et nous on rigole. En fait, The Endless Summer, sous ses airs de grosse farce de bal, entre la chanson déguisée et le hard rock, donne à qui veut une leçon de performance : Thomas de Pourquery maîtrise à merveille l’art de mener un public. Jeanne Added n’est pas en reste, et c’est en l’invitant sur scène qu’ils concluent le concert, avec un « Boys Don’t Cry » de derrière les fagots.
Deux jours plus tard, ambiance radicalement différente avec Radiation 10. Beaucoup de monde, ce vendredi, au Studio de l’Ermitage pour écouter le concert enregistré et diffusé par France Musique en direct, c’est très agréable. Ici, le spectacle est celui de neuf musiciens extrêmement concentrés, immobiles sur leurs instruments, et donnant naissance à une musique étonnamment mobile.
Fidel Fourneyron : tuba
Aymeric Avice : trompette
Hugues Mayot : sax / clarinette
Benjamin Flament : vibraphone
Bruno Ruder : fender rhodes
Clément Janinet : violon
Joachim Florent : contrebasse
Emmanuel Scarpa : batterie
Julien Desprez : guitare.
Tout est question de circulation de l’un à l’autre, des uns aux autres. Entrelacés à des vibrations constantes qui tapissent le sol, plusieurs mouvements, contradictoires ou non, volent autour/par-dessus/à côté, sans que l’on sache vraiment d’où vient quoi et pour aller où. Ainsi, la matière sonore ne se fixe jamais, et pourtant, son assise est tout à fait lisible — une prouesse remarquable.
Les compositions ont pour seul défaut d’être un peu trop compliquées ou « techniques », étouffant légèrement les interprètes au lieu de les pousser à l’ouverture et à la respiration. On leur souhaite d’arriver à un tel aboutissement dans leur prochain disque, dont ils nous ont donné un alléchant aperçu en rappel.