Chronique

Dousteyssier, Godet, Hoang, Pontvianne

WATT

Jean Dousteyssier, Jean-Brice Godet, Antonin-Tri Hoang, Julien Pontvianne (cl)

Label / Distribution : Montagne Noire

Il y a dix ans, sortait sur le label BeCoq un objet comme seul le label nordiste savait en faire à l’époque. Une œuvre totale et radicale menée par Jean-Brice Godet et le quatuor de clarinettes WATT où l’on retrouve des spécialistes de l’instrument comme Antonin-Tri Hoang ou Jean Dousteyssier. C’est Julien Pontvianne du collectif Onze Heures Onze qui clôt cet orchestre, mais c’est certainement celui qui, dans cette décennie, aura le plus travaillé le concept recherché par Watt : une musique de l’infiniment petit, qui sculpte un silence envisagé comme une matière brute, et les souffles des bois comme autant de calques qui se chevauchent et s’assemblent. Avec son Aum Grand Ensemble il a poursuivi ces recherches : les clarinettes conservent une tonalité singulière, d’un boisé très naturel. C’est ce qu’on entend notamment dans le « For 4 Clarinets » écrit par le remarquable compositeur contemporain Karl Naegelen. La pièce qui, sans doute, exploite le mieux l’orchestre et renoue avec la beauté étrange de 77’06, leur première rencontre.

Il y a dans la matière de Naegelen une âme particulière, un enchaînement entre les clarinettes qui tient de l’alliance secrète et de la fusion patiente, où l’orchestre ne fait qu’un, où les individualités construisent patiemment une entité fantasmagorique et étrange. On le retrouve également dans « Olim » de Caroline Marçot, même si ce morceau exploite davantage la polyphonie des clarinettes et le dialogue entre les timbres ; cette spécialiste de la musique vocale travaille la matière de WATT comme un processus vivant, une musique palpitante de sang et de chair, qui assume davantage sa perspective contemporaine. En dix ans, WATT aura pérégriné dans cette recherche du mouvement immobile, de ce travail de création et d’improvisation microscopique. Le quatuor renoue avec l’atmosphère originelle dans « Coral » qui clôt l’album en une face continue, pleine de surprises infimes.

C’est l’imagination qui est au pouvoir dans « Coral », et il semble indispensable de se laisser porter, de ballotter au gré des détails et des inflexions des bourdons. Le tour de force de WATT est de ne jamais confondre sérieux et austérité. Enregistré sur le label Montagne Noire, lié au GMEA d’Albi où l’orchestre a ses habitudes, ce disque de WATT est pleinement engagé dans la recherche du son et d’une unité sans faille : de celles qui posent comme mantra la confiance envers les autres musiciens et autorisent ainsi des déviations et des variations infinies.

par Franpi Barriaux // Publié le 25 mai 2025
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