Chronique

Françoise Toullec + La Banquise

Françoise Toullec (p), Claudia Solal (voc), Louis-Michel Marion (b), Michel Deltruc (d), Antoine Arlot (sax)

Label / Distribution : Gazul Records

Attention, plaisir ! L’annonce d’un rendez-vous discographique proposé par Françoise Toullec et ses complices de La Banquise est synonyme de frémissement. Celui que provoque chez toute personnelle dotée d’une sensibilité humaniste une incursion au cœur d’un cabinet de curiosités qui n’appartient qu’à ce collectif, un monde singulier dont la musique – écrite aussi bien qu’improvisée – vous réservera son lot de surprises et d’inattendu. Il faut dire que 15 années séparent Le Bateleur, parades & variations de son prédécesseur, el[le] et que le temps n’a fait qu’attiser ce feu de joie. Alors on prend les mêmes et on recommence, histoire de semer une nouvelle suite de petits cailloux qui vous conduiront sur un chemin comme on n’en croise que très peu.

Mêmes partenaires pour la pianiste en effet, soit Claudia Solal (voix) et une tierce lorraine : Antoine Arlot (saxophone et électronique), Louis-Michel Marion (contrebasse) et Michel Deltruc (batterie et percussions). Une troupe de francs-tireurs malicieux et aguerris, capables de pousser leurs instruments dans leurs derniers retranchements. Ici, mélodies suggérées et chuchotements font bon ménage avec sonorités animales, bruitages furtifs ou espiègleries sonores, le tout décliné selon les humeurs en quintet, quartet, trio, duo ou solo. L’invention est au coin de cette drôle de rue, cadre parfait pour une telle parade.

Dans cette pièce composée avec une rigueur amoureuse pour les musiciens improvisateurs du quintet et déclinée en quatre cycles, tout est bon pour façonner un « petit théâtre » de la vie, rehaussé pour l’occasion par un travail sur les mots de Fabrice Villard, extraits de son recueil Bégaiements. Des mots plutôt rares, échafaudés en cascades rythmiques, véhiculant par la voix de Claudia Solal un humour poétique de l’absurde.

Françoise Toullec définit La Banquise comme un élixir, concocté en compagnie de ses « espiègles musiciens, chercheurs philosophes poètes solistes humanistes interprètes improvisateurs résistants » (sic). L’effet onirique de ce breuvage est instantané. Impossible de lui résister. Mais attention toutefois : avec Le bateleur, vous avez affaire à une vraie force créative, celle de l’instant magnifié, qui vous embarquera vers des contrées musicales à l’évidence inexplorées (et même inespérées, aux dires des protagonistes) à ce jour. Le phénomène est suffisamment rare pour qu’on n’omette pas de le souligner en nos temps conformistes.

Y a d’la joie, certes, mais quelle classe !

par Denis Desassis // Publié le 13 avril 2025
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