Chronique

Lazro - Madiot - Minor - Marion - Chiesa

Sonoris Causa

Daunik Lazro (bs), Thierry Madiot (tb), Jouk Minor (sarr), Louis-Michel Marion, David Chiesa (b),

Label / Distribution : NoBusiness Records

Entièrement dédié au son, le quintet qui enregistra Sonoris Causa il y a presque dix-neuf ans nous plonge dans des abîmes de sensations où les basses enflées, grondantes et mouvantes comme des vagues épaisses, sont au centre des débats. Mieux qu’au centre, d’ailleurs : aux commandes, voire à l’épicentre. Alors que les deux contrebassistes Louis-Michel Marion et David Chiesa occupent chacun un canal, le sarrusophone contrebasse de Jouk Minor gronde aux côtés du trombone de Thierry Madiot. Sarrusophone ? Le saxophone aveyronnais a un son à part, rauque, pincé, et cette figure des prémices du free hexagonal avec Vitet (La Guêpe) et Portal (Splendid Yzlment) en est un des rares maîtres. Dans une pièce unique - bien que découpée ici en trois parties - où l’excentration des contrebasses crée un mouvement permanent, c’est ce son tout à fait unique qui donne à Sonoris Causa toute son originalité.

Jouk Minor peut compter à ses côtés le baryton de Daunik Lazro, qu’on ne pourrait pas imaginer bien loin de ces musiciens-là. S’il n’a pas le rôle d’architecte pugnace qu’on lui connaît ces dernières années, son saxophone est un allié de poids dans cette alliance de basses. Son souffle provoque des tangentes dans le chemin dessiné par les contrebasses. Lorsque la vague monte alors que l’archet de Marion, puissant tremblement de terre, secoue toutes les racines, c’est Lazro qui offre une déviation, un pont jeté vers l’autre contrebasse. Quant à Madiot, il échafaude de fugaces constructions dont le bâti offre paradoxalement de nouveaux reliefs ; on ne sait où donner de l’oreille, ce qui permet d’errer aux côtés des musiciens, jusqu’aux salvatrices stridences. Des sifflets accueillis par une rythmique captée par Madiot et gravée dans le marbre par les deux contrebasses

C’est un morceau de liberté auquel nous convie NoBusiness Records, capté presque naturellement par Jean-Marc Foussat. Très vite, on reconnaît son tour de main, notamment dans le spectre immense proposé par le quintet. Sonoris Causa est un disque qui nécessite une écoute profonde pour qu’apparaisse toute la finesse des musiciens, bien entraînés dans la chambre d’écho des contrebasses ; le disque est un écheveau qu’on ne se lasse jamais de dérouler. Et qui offre de bien belles surprises.

par Franpi Barriaux // Publié le 8 janvier 2023
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