Entretien

Géraud Portal : autour de Mingus

Entretien avec le contrebassiste Géraud Portal à propos de son rapport à Mingus.

© Gérard Boisnel

Il y a trois ans, le contrebassiste Géraud Portal publiait un album live intitulé Let My Children Hear Mingus. Sa parole était essentielle pour comprendre l’importance de la musique de son illustre prédécesseur à l’occasion du centenaire la naissance de ce dernier.

Géraud Portal (Michel Laborde)

- Comment avez-vous découvert Mingus ?

J’ai découvert Charles Mingus quand j’ai commencé la contrebasse vers 13-14 ans, en m’intéressant aux grands contrebassistes de l’histoire du jazz. Je n’ai pas vraiment écouté Mingus à cette période car j’étais totalement fasciné par la musique du quartet de John Coltrane avec Jimmy Garrison à la contrebasse. C’est bien plus tard que j’ai réellement découvert le contrebassiste, leader, sideman, et surtout le compositeur hors pair qu’est Mingus.

Une approche « mingusienne » de la musique de Mingus

- Comment avez-vous sélectionné les thèmes pour le répertoire Let My Children Hear Mingus ? Comment les avez-vous travaillés ?

De 2015 à 2020, j’ai animé les « After Hours » du Duc Des Lombards tous les vendredis soirs et j’en ai profité pour faire des expériences musicales.
J’ai réuni autour de moi une famille de musiciens avec qui j’avais envie de travailler sur la musique de Mingus. J’ai profité de ce gig régulier pour apprendre un maximum de thèmes du contrebassiste et essayer petit à petit de les revisiter à ma manière. Effectivement j’ai essayé d’avoir une approche « mingussienne » de sa musique en travaillant notamment de manière orale le plus possible avec les autres membres du groupe et en insufflant en maximum de liberté dans la démarche musicale.

- Que retenez-vous du jeu de contrebasse de Mingus ?

Pour moi, Mingus c’est le blues, le bop, l’église, le free, la transe, la musique de Duke, la musique classique… il y a tout chez lui ! Je retiens sa pulsation unique, son « Beat » hors norme, et ses mélodies d’une rare sensibilité.

- Comment concevez-vous l’articulation entre les engagements sociétaux et politiques de Mingus et son travail de création ? Aviez-vous à l’esprit ce côté revendicatif pour votre projet ?

Je crois que tout est lié chez un artiste de sa trempe. Il faut le replacer dans son contexte, historique, politique, religieux… Dans les années 60 la musique noire américaine est engagée, subversive, revendicatrice et effectivement Mingus était un porte-étendard de cette mouvance. La musique peut servir à véhiculer des idées, des émotions, un état d’esprit et j’ai humblement essayé de rester fidèle à mes convictions de partage, de swing, de liberté en reprenant la musique de Mingus. C’était une belle occasion de réunir des musiciens que j’adore autour d’une musique sincère et engagée pour célébrer Mingus et célébrer la vie !