Chronique

Guidi, Petrella, Sclavis & Cleaver

Ida Lupino

Giovanni Guidi (p), Gianluca Petrella (tb), Louis Sclavis (bcl, cl), Gerald Cleaver (perc)

Label / Distribution : ECM

On connaît les talents d’improvisation du pianiste Giovanni Guidi et du tromboniste Gianluca Petrella pour les avoir découverts dans le quintet d’Enrico Rava ou dans le Cosmic Band - cette formation réputée pour réunir le meilleur du jazz italien. Sur ce disque, ils sont associés au batteur américain Gerald Cleaver qui les avait déjà accompagnés sur un précédent album, We Don’t Live Here Anymore de Guidi (Cam Jazz, 2011), ainsi qu’à Louis Sclavis qui n’avait jamais collaboré avec eux. Le défi était donc d’improviser ensemble. L’entente fut au rendez-vous dans ce studio de Lugano où ils enregistrèrent pendant trois jours.

Sur ce disque, en effet, se multiplient les dialogues entre les musiciens. À deux comme dans « Zweig », moment fort de l’album, un piano frappé sur ses cordes et un trombone plaintif se tournant autour sans jamais vraiment se répondre jusqu’à ce que le timbre du cuivre, enfin troublé, s’altère. À deux puis trois, comme dans le titre qui ouvre l’album (« What We Talk About When We Talk About Love »), où le duo d’accords plaqués et de percussions d’ambiance latine est tout à coup bousculé par un trombone rutilant lançant d’étranges appels. À trois comme dans « The Gam Scorpions » : piano et batterie s’enroulant l’un l’autre, rivalisant de notes jusqu’à pousser un trombone d’abord timide à prendre plus de hauteur et plus d’audace. À quatre enfin, ensemble d’emblée, parlant presque d’une même voix avant de laisser trombone et clarinette, seuls, libérer leur chant puis écouter celui du piano, de la batterie bientôt, avant de repartir et s’élancer, encore, tous ensemble (« Jeronimo »).

Deux titres non improvisés se glissent pourtant dans ce disque. Ils témoignent de la même entente fabuleuse. Il y a d’abord « Ida Lupino », en hommage à Carla Bley avec qui Petrella a joué, mais surtout le majestueux « Per i morti di Reggio Emilia » du compositeur turinois Fausto Amodei, pièce de plus de sept minutes dans laquelle le lyrisme d’espérance du trombone, la pluie fine et lumineuse des cymbales, l’entêtement grave du clavier, parviennent à éclairer le ciel sombre de ces funérailles dont la clarinette de Sclavis fait entendre tout à la fois la marche sinistre et les pleurs déchirants. Magnifique rencontre !