Guillaume Saint-James
La Symphonie « Bleu » - Sketches of Seven
Label / Distribution : Indesens Records
Le monde ouvrier n’a pas souvent été le sujet de la musique orchestrale, mais il y a des exceptions, et des approches. On pense bien sur, et naturellement, à Pacific 231 d’Arthur Honegger, qui suggère dans la tension des violons quelque chose de la répétition de la machine ; il en est de même, quoique plus suggérée, dans la musique minimaliste qui intègre les sons du Taylorisme. Il y a enfin la musique de cinéma, inspirant vivier d’images industrieuses, du muet jusqu’aux années 60. C’est dans ce contexte que le compositeur et saxophoniste Guillaume Saint-James, le maître du Jazzarium, nous propose avec l’Orchestre Victor Hugo dirigé par Jean-François Verdier sa Symphonie Bleu dédiée aux cols du même nom. Chaque mouvement porte un nom, tel ce « Monsieur Arthur » qui ouvre la longue successions d’images et de sensation autour de la condition de travailleur. Ici, c’est le batteur Christophe Lavergne qui tient une rythmique stable et complexe, évocateur de machines mais aussi d’une certaine chaleur, incarnée ici par un autre soliste, l’organiste Emmanuel Bex, fidèle lui aussi de Saint-James.
Il y a dans cette pièce la luxuriance d’arrangement qui fait la renommé du compositeur, un travail orchestral très dynamique qui emprunte beaucoup au cinéma. C’est ainsi que « Monsieur Victor » est un bel échange entre cordes et soufflants arbitré par un vibraphone sporadique, apportant un grand relief dans une musique très écrite mais cependant éprise de liberté. Ainsi « Monsieur Fred », et son ouverture de violon droite sortie d’une seconde école viennoise offre quelques tangentes abstraites à un orchestre relativement compact. On retrouve surtout tout le soin rythmique apporté par Saint-James à une partition fine et subtile où ce bleu n’est pas que celui de la blouse mais plus de la teinte communément admise pour incarner le jazz.
On retrouve sur ce disque, à côté de cette création, une reprise avec l’Orchestre de Bretagne d’une pièce envisagée avec le comédien Jean-Claude Dreyfus pour l’Estran de Guidel mais ramené à sa forme originelle sur ce disque, avec le fidèle Didier Ithursarry en soliste. Dans cette lecture biblique, plus symphonique, où les bois jouent à cache-cache avec un accordéon brillant (« l’orgueil »), on peut distinguer dans l’écriture de Saint-James d’autres influences, comme Stravinski par exemple (« La Colère ») où Ithursarry montre tout son talent. Sans se réclamer de qui que ce soit ni faire la course aux étiquettes, Guillaume Saint-James livre avec ces deux œuvres un panorama remarquable de sa musique et de sa grande liberté. Un disque lumineux.