Chronique

Thumbscrew

Never is Enough

Mary Halvorson (g), Michael Formanek (b), Tomas Fujiwara (dms)

Label / Distribution : Cuneiform Records/Orkhêstra

Quelques mois après leur remarquable lecture de l’œuvre d’Anthony Braxton, on retrouve le trio Thumbscrew dans un univers plus personnel, fruit de leur longue collaboration. Enregistré en 2019, Never is Enough témoigne d’abord de l’entente parfaite qui unit le contrebassiste Michael Formanek, Mary Halvorson et Tomas Fujiwara. Si la première aborde « Camp Easy », le premier morceau de l’album, avec cette décontraction habituelle et son jeu reconnaissable entre tous, on remarque très vite que la batterie, en dialogue permanent avec la contrebasse, a pris une dimension, une épaisseur supplémentaires. C’est Fujiwara, dès les premiers instants du disque, qui mène la danse et enfonce le clou. Si l’orchestre a toujours fait attention à ne jamais rentrer dans les cases, force est de constater qu’il tutoie, davantage que dans Convallaria par exemple, les canons du Power Trio. Mais sans pour autant s’affilier à quoi que ce soit : leur musique est trop mouvante, trop légère pour cela.

La chose s’affine d’ailleurs dans le plus puissant « Sequel to Sadness » où la guitare d’Halvorson, plus écorchée qu’à l’habitude, va puiser dans des envies de rock sans pour autant, là encore, s’y arrêter trop longtemps. On perçoit, à n’en pas douter, les effets de la collaboration commune du trio à son projet Code Girl, qui ouvre toutes les possibilités et libère la parole de chacun. C’est ainsi que dans ce même morceau, et plus loin dans « Emojis Have Consequences », la batterie de Fujiwara est plus explosive, s’offrant même des échappées belles rares dans cette musique, ou initiant un chemin que la contrebasse s’empresse de baliser.

Un chemin qui ne s’inscrit pas dans la durée même si Formanek, avec un flegme caractéristique, offre une multitude de directions possibles. Mais c’est compter sans Halvorson, pourtant plus en retrait que d’habitude sur Never is Enough, et ses stratégies serpentines qui peuvent en quelques notes changer toutes les directions. On le constatera par exemple sur l’excellent « Fractured Sanity » où son jeu fragmenté donne un relief incroyable à un trio qui se connaît par cœur et ne cesse de se renouveler. A l’évidence, Never is Enough est un album de transition, une étape dans la collaboration de ces musiciens qui ne se limite pas à Thumbscrew. C’est aussi la certitude qu’ils n’ont pas fini de nous surprendre, ce qui, en soi, se révèle parfaitement excitant.

par Franpi Barriaux // Publié le 27 juin 2021
P.-S. :