Chronique

Hasse Poulsen & Henrik Simonsen

The Parsonage Melodies

Hasse Poulsen (g), Henrik Simonsen (b).

Label / Distribution : Das Kapital Records

Comme une évidence dont la flamme serait avivée par la mise à nu des émotions… À l’écoute des douze compositions qu’offre The Parsonage Melodies (Præstegårds Melodier en langue danoise et Mélodies du presbytère en français), on est frappé par l’apparente (et fausse) simplicité de la musique composée par Hasse Poulsen, ici interprétée en duo avec son compatriote Henrik Simonsen. Pas le moindre effet de manche en effet, aucune démonstration virtuose de la part de ces deux musiciens dont on sait l’éclectisme et la richesse des parcours et qui se connaissent depuis fort longtemps. Tout semble ici couler naturellement, dans un climat contemplatif qui doit tout à l’attachement personnel du guitariste pour un lieu dont il se fait ici le guide : le presbytère de Søllerød et ses environs immédiats, à une vingtaine de kilomètres au nord de Copenhague.

Avec ces deux-là, dont la connivence et l’art du dialogue sont en tous points admirables tant ils semblent parler d’une même voix, il va s’agir en effet de partir en balade (qu’on pourrait aussi bien écrire ballade) dans les alentours de ce lieu à la fois secret et en même temps témoin de bien des événements de la vie quotidienne. Cette ambiance impressionniste, qui tient un peu du journal intime de la part d’Hasse Poulsen, nous rappelle à quel point ce dernier est un musicien capable de tout jouer. S’il a posé pour un temps ses armes de flibustier, celles qu’on lui connaît par exemple au sein du trio Das Kapital, et laissé de côté le folk singer dont il sait endosser le rôle avec une grande force de conviction (The Man They Call Ass), le voici conteur apaisé et chroniqueur de ce qui est constitutif de sa propre vie, joies et peines incluses. Il y a peu de temps encore, ce guitariste protéiforme avait écrit la chronique d’une séparation douloureuse dans le disque Not Married Anymore, accompagné déjà du contrebassiste (et du batteur Tim Lutte). Et le voici aujourd’hui qui semble retrouver la paix intérieure, déjà apprivoisée l’an passé en duo avec Thomas Fryland sur l’album Dream A World.

La présence à ses côtés du fin mélodiste qu’est Henrik Simonsen, un partenaire sachant aussi prendre la parole avec une douce autorité, est la plus belle des garanties d’un voyage « Entre amis » dont on goûte chaque étape avec ravissement. Parce qu’à Søllerød, on danse, on écoute des histoires, on déjeune à l’auberge et surtout on contemple : un lac, un chemin, des animaux en lisière de forêt, de vieilles photographies de confirmands au presbytère. On peut même faire une rencontre au cimetière. Le sentiment qu’on éprouve en déambulant en ces lieux à la fois proches et mystérieux est celui d’un oubli assumé. Comme si le temps ne comptait plus, comme si cette musique reliait passé, présent et futur et dessinait les contours d’un langage universel. Les thèmes se suivent dans la plus grande des fluidités, avec leurs airs de chansons traditionnelles et populaires.

Attendez que le jour s’efface pour céder la place à la nuit, laissez-vous gagner par une douce chaleur et faites entrer la musique de ces Mélodies du presbytère, joyeuses parfois, un peu nostalgiques par instants mais toujours empreintes d’une profonde humanité.