Délaissant pour l’occasion son bolide d’all star hexagonal qu’est le MegaOctet, Andy Emler se concentre sur ce qui est certainement une de ses plus grandes qualités : l’écriture. A partir de quatre partitions composées pour quatre formations différentes, il démontre, s’il en était besoin, sa capacité à s’extraire du monde du jazz pour s’exprimer avec une aisance égale dans les univers différents que compte le monde du classique. En s’appropriant les logiques de langage propres à chaque formation orchestrale, il définit, sans hiatus, un terrain de jeu commun qui, à travers des interprétations solides, emporte l’adhésion.
« Ciel de sable » voit l’Orchestre Victor Hugo sous la direction de Jean-François Verdier, se confronter au piano soliste d’Yvan Robilliard dans une approche concertante. Autour d’une écriture complexe, les effets de contrastes et d’opposition génèrent une dynamique sur laquelle s’appuie la virtuosité du soliste pour donner voix à son propos. Tous les pupitres tournent à plein régime en déployant un volume puissant et ample dans lequel des dissonances nuancées s’agrègent autour de ce clavier virtuose et limpide.
Sur Dynamos 1 avec l’Ensemble Nomos (constitué de dix violoncelles sous la direction de Christophe Roy) ou encore les saxophones du Quatuor Morphing sur Artophones 4 (avec Guillaume Orti comme invité), Emler dévoile un visage plus tourmenté que de coutume et engage l’émotion contenue sur des versants inquiets. Par la superposition des voix, les violoncelles prennent la gravité d’une contrebasse et le saxophone d’Orti, virevoltant avec le sens de l’à-propos qu’on lui connaît, louvoie entre des climats qui se redéfinissent constamment.
Toutefois des traits communs sont perceptibles à ces quatre pièces. Ce sont les fondations de la personnalité du compositeur. L’humour, d’abord, qui s’exprime bien des fois à travers des cris, des souffles, des babils incompréhensibles et s’intègre sans accroc au sérieux de la mise en place (Des clins d’œil - ou clins d’oreille - sont d’ailleurs à chercher dans certaines pistes (à retrouver une citation de la « Valse n°2 » de Chostakovitch)). Mais c’est surtout la composante rythmique qui irrigue le tout. A la fois socle du travail d’écriture mais également stimulant bigarré qui maintient et relance l’attention à tout instant, elle trouve, dans 7 for 2 interprété par le duo de percussions PercuDuo (Philippe Limoge et Damien Petitjean), sa pleine expression.