Chronique

Bruno Angelini, Joe Fonda, Ramon Lopez

New York City Sessions

Bruno Angelini (p), Joe Fonda (b), Ramon Lopez (dr)

Cinquième volume du label virtuel Sans Bruit, qui confirme l’exigence de ses choix éditoriaux. Pour être virtuel, on n’en est pas moins sérieux -nous en savons quelque chose !

Deux ans après Silent Cascade, superbe album improvisé paru chez Konnex, les trois mêmes musiciens s’enferment pendant cinq heures dans un studio new-yorkais, un jour de novembre.

Trois soli : « China » pour Joe Fonda qui ouvre l’album, déambulatoire et fantasque. « Queens » pour Ramon Lopez, photographie sonore aux couleurs bariolées du quartier le plus mondialiste de New York, et pour Bruno Angelini, « New York City Mood », imprégnée de la fascination qu’exerce la ville - et son histoire musicale - sur tout jazzman normalement constitué. Sors de ce corps, Duke Ellington ! Sors de ce corps, Bill Evans !

Entre ces expressions individuelles, huit improvisations collectives où le trio trouve un fonctionnement idéal : circulation d’idées, échanges de notes et de bribes de thèmes, écoute et présence à l’autre, aux autres. On a peu d’exemples d’une communication aussi complète entre trois musiciens qui évoluent librement sans que jamais l’un prenne le dessus sur les autres. La contrebasse appuie, suggère, prend la main ; le piano parle et colore, dessine un détail, envoie une mélodie. La batterie, les percussions structurent et donnent l’élan, battent comme le cœur commun d’un être à trois voix. Même les titres des morceaux, polysémiques à souhait, illustrent cette osmose musicale : « Brothers », « Union Square », « I Learned A Lot From You »…

On ne saurait conclure sans évoquer la beauté des sons : contrebasse veloutée, piano soyeux, batterie chatoyante, et la matité des tablas, notamment sur « Union Square », qui clôt l’album — un morceau conclusif, hanté d’interrogations comme le bout d’un voyage, subtil comme la lumière de l’aube à travers la brume new-yorkaise. Du très beau jazz contemporain et transatlantique.