Chronique

Mike Westbrook

Glad Day Live

Phil Minton (voc), Kate Westbrook (voc), Mike Westbrook (p, voc, comp, dir) Karen Street (acc), Billy Thompson (vln), Steve Berry (b), Paul Ayres (dir), London College of Music Chamber Choir

Label / Distribution : Autoproduction

La relation de Mike Westbrook aux poèmes de William Blake, voire à la personne même de ce génie excentrique du XVIIIe, est forte et ancienne. Dès le milieu des années 70 en effet, en compagnie de sa femme Kate (dont le temps pare la voix d’un tanin délectable), il rendait hommage à ses textes avec son Brass Band, suite à une commande du dramaturge Adrian Mitchell. Une fidélité dont témoigne son imposante discographie [1] avec The Westbrook Blake Bright As Fire d’abord, paru dans les années 80 et considéré comme l’un des grands disques de Westbrook, mais aussi, et peut être surtout, Glad Day, dont la sortie, en 1996, marqua la renaissance de son orchestre de cuivres. Chaque fois Kate Westbrook partageait les vers du poète de Soho avec Phil Minton, dont la voix est si familière à l’univers du couple.

En 2007, ce compositeur adepte des contrepieds et des arrangements luxueux propose une adaptation pour chœurs et c’est Glad Day Live, enregistré avec le London College of Music Chamber Choir et accompagné d’une captation vidéo instructive car permettant, au-delà de la musique, d’admirer l’élégance de la prestation scénique. Entouré de fidèles, dont le contrebassiste Steve Berry, qui offre une introduction pénétrante à « The Human Abstract », et l’accordéoniste Karen Street que l’on retrouvait déjà sur Platterback ou Bar Utopia, Westbrook est au piano pour diriger et s’effacer au profit des voix, même s’il se fait récitant sur « Let The Slave ». L’expérience est saisissante. Évidemment, les deux chanteurs solistes captent l’attention et marquent l’atmosphère de leur empreinte respective. Ainsi, sur « Holy Thursday » l’élégance acidulée de Kate Westbrook approfondit la discussion entre le pianiste et Karen Street. Lorsqu’elle chante seule, les morceaux, plus courts, adoptent parfois un format presque pop (« A Poison Tree »).

Le lyrisme de Phil Minton imprègne quant à lui des morceaux plus longs, où le chœur fait parler sa puissance. Il resplendit dans une intense interprétation de « Let The Slave » où les accents traditionnels du violon (Billy Thompson) sont vite balayés par le chœur ; celui-ci donne aux vers « What is the price of experience ? Do men buy it for a song ? » une résonance particulière. Pour cette immersion recueillie dans la poésie de William Blake, le violoniste et le chœur, instruments rares dans la cosmogonie westbrookienne, occupent d’ailleurs le centre de l’œuvre. Thompson, qui se plaît dans l’amalgame de timbres avec l’accordéon, est l’élément perturbateur qui ramène sur terre les tentations aériennes du chœur. Sur « The Tyger and The Lamb », sans doute le sommet de l’album, le violon se tait pour laisser les sopranos briller dans une interprétation qui peut faire songer aux chorales d’enfants de Kodály.

L’interprétation de l’œuvre de Blake par Westbrook occulte toutes les postures adolescentes que le poète a pu susciter dans l’histoire de la pop music. Glad Day Live est une nouvelle facette, tout aussi brillante que les précédentes, de cette entreprise de réhabilitation qui tout de même ouvre bien large les fameuses portes de la perception pour y laisser pénétrer un salutaire courant d’air frais.