Chronique

Andy Emler

Le temps est parti pour rester

Nicolas Fargeix, Elodie Pasquier, Emmanuelle Brunat, Florent Pujuila, Louis Sclavis, Catherine Delaunay, Thomas Savy, Laurent Dehors (clar) ; Eric Echampard (d) ; Claude Tchamitchian (b) ; Andy Emler (p).

Label / Distribution : PeeWee !

Le projet est aussi fantasque que réussi. Andy Emler s’entoure de son immuable section rythmique (Éric Echampard et Claude Tchamitchian) pour faire face à rien moins que huit clarinettistes. Sur le papier, l’idée semble démesurée voire absurde, mais force est de constater qu’à l’écoute, l’ensemble fonctionne ; et même très bien. On irait jusqu’à dire qu’Emler trouve le moyen d’y renouveler une inspiration, tout au moins une énergie, qui s’était (relativement) amoindrie sur le dernier disque du MegaOctet.

Meneur naturel, chef d’orchestre respecté, compositeur élégant, il retrouve l’enthousiasme de se confronter à une masse orchestrale qu’il lui faut mettre en mouvement, en évitant - et on imagine la contrainte stimulante - la monochromie timbrale du fait d’autant instruments identiques. Du boisé profond aux scintillements aigus, une partie de la gamme est, certes, représentée (de la clarinette basse à la Sib en passant par le cor de basset) et les clarinettes ne font pas mur pour autant. Elles permettent un effet troublant d’un même son qui se démultiplie en un large éventail de couleurs. Mieux, cet orchestre de (faux) clones, aussi à l’aise derrière un pupitre qu’improvisateurs inspirés, fait l’effet d’une cour d’enfants espiègles, heureux de se glisser dans des compositions soignées où chacun·e trouve à son tour sa mise en lumière.

Déployant les caractéristiques d’un style, sur lequel il ne transige pas, Emler offre neuf pièces chargées de groove et à la dynamique métronomique. Propice à des envolées orchestrales complexes, on entend une écriture vive, légère et mordante, teintée d’humour aussi (le clin d’œil à J’ai du bon tabac sur le titre Le temps est parti pour rester, jalonne l’œuvre emlerienne) qui ajoute à l’originalité du projet un enlevé indéniable qui réjouit l’oreille.