Chronique

Benjamin Koppel & Joe Lovano

The Mezzo Sax Encounter

Benjamin Koppel (ms), Joe Lovano (ms), Kenny Werner (p), Scott Colley (b), Johnathan Blake (dms)

Label / Distribution : Cowbell Music

Enregistré en 2015 et paru en 2016, voici un disque passé presque inaperçu. Résultat d’une distribution physique très locale au Danemark (en format CD & vinyle), et uniquement sur Spotify et Itunes pour le reste du monde. Et c’est d’autant plus dommage qu’il s’agit là d’un des disques les plus brillants auxquels Joe Lovano ait participé depuis longtemps. L’idée de The Mezzo Sax Encounter part de la découverte et de l’envie d’explorer un nouvel instrument.

Le mezzo soprano est en effet un nouveau venu dans la famille des saxophones, et plutôt rare, puisqu’il n’en existe que 7 exemplaires à ce jour dans le monde. Accordé en Sol, il se place juste entre le soprano traditionnel (en SIb) et l’alto (en MIb). C’est le luthier danois Peter Jessen qui l’inventa pour Benjamin Koppel en 2007. Son ami Joe Lovano ne tarda pas à tomber sous le charme de l’instrument lors d’un séjour à Copenhague, et d’en commander un immédiatement au luthier danois.

Dès 2013, lors du Summer Jazz Festival, Koppel & Lovano proposèrent un concert en duo autour de l’instrument, intitulé « Mezzo Summit ». Deux ans plus tard, pour l’édition 2015 du même festival, les deux soufflants décident de réitérer le concept mais en proposant cette fois un concert en quintet, avec le pianiste Kenny Werner, le bassiste Scott Colley et le batteur Johnathan Blake. C’est ce concert qui est immortalisé sur ce Mezzo Sax Encounter.

Les possibilités de l’instrument sont larges et en tout cas visiblement inspirantes pour les deux musiciens qui, portés par une section rythmique et harmonique de haut vol, interprètent six titres magnifiques. Et des compositions originales de surcroit : trois de Benjamin Koppel, deux de Joe Lovano et une de Kenny Werner. La richesse de ce disque tient dans le fait que les trois compositeurs prennent des directions très différentes. Benjamin Koppel propose des pièces très écrites, aux allures de musique symphonique, tandis que Joe Lovano nous ravit avec ce qu’il fait de mieux, un jazz qui évoque les rues vaporeuses de New York, et qui n’est pas sans rappeler l’album culte Trio Fascination. On retrouve cette capacité qu’il a de pousser les batteurs à se dépasser - Lovano a une réelle passion pour la batterie, que les batteurs lui rendent bien -, car Johnathan Blake fait tout simplement des merveilles sur ce disque. Quand à Kenny Werner, il nous offre une composition profonde, voire spirituelle.

La joie que ces musiciens ont de parcourir ensemble des chemins inédits est communicative, et l’on regrette un peu que le disque n’ait pas eut la chance de bénéficier d’un plus large écho, car rien n’eût été plus mérité. Les amateurs de format numérique pourront se jeter sur les plateformes dédiées. Les autres pourront toujours commander le CD ou le vinyle au Danemark et manger des patates le reste du mois, oui, mais en musique.