Scènes

Michel Portal, plus il y a de bougies, plus le gâteau est gros.

Retour sur le concert de Michel Portal à l’occasion du concert anniversaire à Jazz à la Villette en septembre 2020.


Michel Portal, photo Michel Laborde

A l’occasion de ses 85 ans, dont plus de 60 ans de carrière, le Festival Jazz à la Villette et la Philharmonie de Paris invitent Michel Portal qui, en dépit des années qui passent, montre une fois encore une envie insatiable de musique.

Ouvrons une parenthèse en préambule. Ce concert est accessible sur le site Philharmonie de Paris, live. Que ce soit clair : nous aurions préféré y assister, même masqué, même assis à deux mètres de son voisin, les mains suintantes d’une solution hydroalcoolique mal séchée. Le son est bon et les images superbes mais un écran ne remplacera jamais la musique saisie dans le vif du moment. Fermons la parenthèse.

Michel Portal, qu’on ne présente plus, est ici en quintet. Le quintet qu’il mène depuis sa création à l’Europa Jazz au Mans en 2017. Deux fidèles l’entourent : Bruno Chevillon à la basse et Bojan Zulfikarpasic au piano. Avec le temps, le Franco-Serbe est d’ailleurs devenu le lieutenant, le directeur artistique depuis au moins Baïlador, dernier disque qui date de 2010. Un nouvel enregistrement a été réalisé en juin dernier avec ce quintet, la parution prochaine est prévu pour Label Bleu. L’Allemand Nils Wogram est au trombone et le Belge Lander Gyselinck à la batterie. Quintet transnational. Transatlantique même puisque, pour cette soirée, le remplaçant Jeff Ballard (batteur de Brad Meldhau), américain, tient les baguettes.

On retrouve le son de Portal. Le timbre chaleureux de la clarinette basse et le phrasé limpide trouvent leur place au côté de partenaires qui le poussent ou qu’il entraîne avec lui. La maîtrise du son d’ensemble et la justesse collective de chaque intervention soliste en font un orchestre de haut niveau, friand de débordements rythmiques et d’une générosité harmonique qui comble l’oreille. Les mélodies, écrites ou improvisées, sont imparables. Pour tout dire, ça chante tout du long, avec allant et naturel. On se voudrait blasé après des dizaines de concerts à le voir sur scène, on reste emballé par l’enthousiasme indéfectible dont il fait preuve et la volonté d’arracher l’adhésion d’un public pourtant acquis d’avance.

Michel Portal et Nils Wogram, photo Michel Laborde

Même l’attitude est touchante. Perturbées par une extinction de voix, les interventions flottantes d’un Portal orateur ajoutent à la dimension d’incertitude et de fragilité qu’il donne à voir. Le visage est fermé et on s’inquiète. Ça va aller ? Va-t- il arriver à finir ? Depuis toujours, ce sont les mêmes façons et les mêmes questionnements, cette mise en scène de soi est aussi une manière d’entretenir un hiatus fructueux entre une image et une musique, certes intranquille, mais toujours ferme.

Une nuance complétera la soirée. Elle est diaphane, imperceptible dans le détail. L’intégralité du concert montre une certaine langueur, une mélancolie qui point dans quelques titres au tempo plus lent et qui n’apparaissait pas avant. Portal délaisse sa formidable technique pour laisser affleurer une émotion d’autant plus prenante que simple dans son expression. Et c’est beau. Et c’est touchant.

L’intégralité du concert est accessible ici pour encore plus de 160 jours : live.philharmoniedeparis.fr