Scènes

NJP 2013 - Echos des Pulsations - 11/10


Et si, à peine commencé, le festival nous avait déjà réservé sa plus belle soirée de jazz ? Difficile de l’affirmer, mais Stéphane Kerecki d’abord, puis Vincent Peirani, ont offert au public un double concert placé sous le signe de l’émerveillement.

Stéphane Kerecki « Sound Architects »

Stéphane Kerecki © Jacky Joannès

Le contrebassiste peut avoir le sourire. Malgré un groupe légèrement remanié depuis l’enregistrement de Sound Architects, un des disques majeurs de l’année 2012, la sérénité règne au sein de cette formation mise au service d’une musique à la fois savante et chaleureuse, symbolisée ce soir par l’émouvante « Serbian Folk Song ». Benjamin Moussay, au piano comme au Fender Rhodes, affiche une décontraction qui ne saurait faire oublier la multitude de couleurs qu’il déploie. On ne perd pas une miette des échanges auxquels se livre une étonnante paire de saxophonistes, dont la cohérence repose sur ses différences d’approche de l’instrument : le ténor de Matthieu Donarier, presque félin, semble guetter du coin de l’anche les envolées imprévisibles de ce drôle d’oiseau qu’est le soprano d’Émile Parisien. Kerecki, soutenu avec une force discrète par le jeu tout en nuances de Thomas Grimmonprez, rayonne au cœur d’une maison construite par des architectes très inspirés. Le public exige un rappel, et les musiciens se soumettent de bonne grâce à cette injonction bienveillante malgré l’horaire qui leur suggère de céder la place à leurs amis à venir. Un concert de grande classe, trop court, bien trop court.

Vincent Peirani Trio invite Michel Portal

C’est le temps d’un autre grand frisson, cette fois, et pas seulement parce que l’accordéoniste s’apprête à jouer une bonne partie de Thrill Box, un album de lumière publié au début de l’année. À ses côtés, les musiciens présents sur l’album : Michael Wollny délivre un jeu brillant, d’une grande diversité de nuances, en symbiose constante avec l’accordéoniste. Ces deux-là s’adorent, les regards ne trompent pas. Michel Benita, qui fait figure de sage, contribue pour beaucoup à l’harmonie présente au sein du trio. À mi-concert, Michel Portal entre sur scène pour participer à la fête ; il s’amuse comme le jeune homme qu’il semble devoir rester à jamais.

Que dire de Peirani ? Cet homme est touché par la grâce : qu’il lance une valse endiablée ou un « Choral » poignant en guise d’ouverture, qu’il joue seul, en duo, en trio, en quartet, qu’il se double lui-même au chant, il possède la capacité unique de suspendre le temps. Il faudra quatre rappels (dont un avec Émile Parisien, qu’on est heureux de retrouver). Le grand Vincent finira seul pour interpréter « Frevo » d’Egberto Gismonti, clin d’œil à une autre de ses complices de scène, Youn Sun Nah.

Une prestation de niveau 10 sur l’échelle des riches terres de nos émotions.

Vincent Peirani © Jacky Joannès

À suivre…