Chronique

Webber/Morris Big Band

Both are True

Label / Distribution : Greenleaf Music

Angela Morris et Anna Webber sont de ces jeunes talents qui suscitent une attention grandissante à chaque nouvelle production. Dans une ascension plus graduelle que fulgurante, les deux New-Yorkaises posent tranquillement mais solidement leurs balises discographiques, que ce soit en tant que leader ou auprès de leaders, ou encore, comme ici, à la tête d’un Big Band composé - elles comprises - de dix-neuf artistes phares de la scène new-yorkaise.

Cet ensemble qu’elles dirigent et dans laquelle chacune s’empare du saxophone ténor et de la flûte, a été formé il y a cinq ans. C’est sans doute ce qui explique que ce premier album n’a rien d’un premier disque. Il donne l’impression de retrouver une formation suffisamment éprouvée pour s’être forgé une forte identité collective et proposer un album de compositions subtiles, totalement maîtrisé.

C’est sur le titre « Climbing on Mirrors » que s’ouvre en grand l’album. Le morceau regorge de grooves syncopés où se posent de douces mélodies sur fond d’enchaînement de notes cycliques qui suscitent l’urgence. Un titre protéiforme au sein duquel quiétude et agitation ne cessent de s’apprivoiser l’une l’autre, jusqu’à l’arrivée d’un chœur blotti contre un déchaînement de batterie. Le titre « And it Rolled Right Down » saisit avec élégance une énergie et des sonorités familières qu’un Mingus Dynasty avait lancé quelques décennies plus tôt. L’inquiétant « Foggy Valley » associe là encore dans une tout autre esthétique le sentiment de panique imminente à celui de la sécurité d’une accalmie. Sept compositions et deux duos (deux courts dialogues de saxophones) qui cultivent l’art du rebondissement, à l’image de « Rebonds », une sorte de montée en puissance à l’esthétique rock que le guitariste Dustin Carlson rend joyeusement poreuse.

Car loin de prendre toute la place, le talent des deux compositrices multi-instrumentistes se confond avec celui du reste de la formation. Autour d’une impressionnante section soufflante, le batteur Jeff Davis nous gratifie d’un jeu tout terrain, et la présence de Patricia Brennan, la vibraphoniste repérée par Nabil Ayers [1], et dont on devrait avoir l’occasion de parler dans les mois à venir, n’est pas anecdotique.

Le Webber/Morris Big Band propose un disque inspiré qui manie le désordre avec beaucoup de clarté, et unit des sentiments contraires jusqu’à en extraire l’harmonie. Both are True, on ne saurait mieux dire.

par Raphaël Benoit // Publié le 11 octobre 2020
P.-S. :

Angela Morris (conductor, ts, fl), Anna Webber (conductor, ts, fl), Jay Rattman (as,ss, fl), Charlotte Greve (as, cl), Adam Schneit (ts, cl), Lisa Parrott (bs, bcl), John Lake (tp), Jake Henry (tp), Adam O’Farrill (tp), Kenny Warren (tp), Tim Vaughn (tb), Nick Grinder (tb), Jen Baker (tb), Reginald Chapman (btb), Patricia Brennan (vib), Dustin Carlson (g), Marc Hannaford (p), Adam Hopkins (b), Jeff Davis (dms).

[1Fondateur de Search of Valley Records.