Chronique

Samuel Blaser Trio

Taklos Zürich 2017

Samuel Blaser (tb), Marc Ducret (g), Peter Bruun (dms)

Label / Distribution : Hat Hut

Samuel Blaser nous a habitués aux quartets. Autour de Giuffre avec Gerald Cleaver et de Machaut avec Paul Motian, ou dans un orchestre davantage tourné vers les formes libres avec Marc Ducret, sur le label HatHut. Dans sa carrière fulgurante, on l’a déjà entendu en trio avec Gerry Hemingway et Benoît Delbecq. Mais c’est la première fois qu’il propose sur disque un trio sous son nom. Le trio existe pourtant depuis de nombreuses années : il s’est choisi pour partenaires deux membres soudés d’une base solide mais protéiforme avec la guitare de Marc Ducret et la batterie de Peter Bruun. Des détonateurs idéaux pour un concert enregistré à Zürich qui plonge dès « Stoppage » dans une tension et une agressivité latente. La guitare, plus caverneuse que jamais, tente de rattraper le trombone dans les recoins de ses glissandi.

Économie de gestes, précision millimétrique de la coulisse qui semble anticiper chaque remous du guitariste, explosions sporadiques et souvent esseulées… Si l’on retient son souffle c’est qu’à l’évidence le moindre geste de trop pourrait faire tout imploser. C’est pour cela que parfois la batterie se met en retrait pour éviter d’envenimer les corps à corps entre cordes et soufflant. Il faudra attendre la seconde moitié du morceau, alors que le trio s’est libéré d’une certaine retenue, pour que naisse une émulation collective comme sortie du marasme. L’auditeur y est d’autant plus réceptif que la tension se relâche pour laisser place, sur « Fanfare For a New Theater » à une certaine exubérance, assez naturelle pour une pièce de Stravinsky. La guitare notamment délaisse le registre de la sécheresse pour une série de mouvements circulaires suivis par un batteur qui se plaît dans les couleurs sombres, laissant la lumière à un trombone qui exploite le moindre souffle et semble aller où il veut, y compris vers le silence.

La complicité entre les musiciens est naturelle, mais elle transite par Ducret. Il joue dans l’orchestre du Danois qui était lui-même dans le premier volet de Tower/Bridge. Quant à sa relation avec Blaser, le guitariste, dont le jeu explosif s’est toujours rapproché des trombones, incarne la continuité avec Boundless et As The Sea, vieux déjà de six ans. Ducret semble parfois distribuer les rôles ou du moins encadrer le propos afin de ne pas en perdre le contrôle et se faire le plus trapu possible. Sur l’excellent « Jukebox », sans doute le meilleur morceau de l’album, ils s’escortent mutuellement jusqu’au point de fusion où se disloquent déjà les frappes de Bruun. Taklos Zürich 2017 est un disque d’étape, le témoignage live d’une belle collaboration dont on attend désormais surprises et contre-pieds, comme Blaser les aime, notamment auprès d’Alban Darche.