Chronique

Stéphane Kerecki

Out Of The Silence

Stéphane Kerecki (b, comp), Marc Copland (p), Ralph Alessi (tp), Tore Brunborg (ts), Fabrice Moreau (dms).

Label / Distribution : Out There / Out Note

On peut faire confiance au plasticien sonore (également saxophoniste en provenance de la scène improvisée) anglais Will Menter pour savoir de quoi il retourne dès lors qu’un musicien évoque l’idée de silence : « Le silence n’est pas l’absence de son, mais la liberté d’écouter, d’explorer, d’entendre en toute sérénité ». Voilà une phrase qui exprime en quelques mots ce qui se joue tout au long de ce nouveau disque de Stéphane Kerecki. Après ses aventures au pays de la Nouvelle vague du cinéma français et une célébration particulièrement réjouissante de la French Touch, le contrebassiste ouvre en grand les frontières de sa musique en composant une sorte de dream team internationale. Du très beau monde en effet – et d’impressionnantes cartes de visite – puisqu’évoluent dans son quintet rien moins que les Américains Marc Copland au piano et Ralph Alessi à la trompette, le Norvégien Tore Brunborg au saxophone ténor et le Frenchy (et fidèle) Fabrice Moreau à la batterie.

L’idée de sérénité évoquée un peu plus haut est bien celle qui vient immédiatement à l’esprit – celui-là même qui sort du silence et de sa page blanche – à l’écoute de dix compositions (toutes signées par Stéphane Kerecki) dont l’évidence mélodique et la fluidité d’interprétation imposent ce sentiment à nul autre pareil qui vous voit confronté à un disque important, surplombant sans nul doute l’ensemble de l’actuelle production estampillée jazz. On ne souligne jamais assez le travail fourni par d’aussi brillantes individualités au service d’un collectif. Out Of The Silence en est l’élégante démonstration, qui coule naturellement durant une heure enchantée, dans un remarquable équilibre des forces, et sans que jamais la tranquillité instaurée ne suscite la moindre chute d’intérêt. La pulsion est présente, toujours, alliance de souplesse et de force. Les interventions solistes sont habitées d’une même intensité excluant le bavardage. La paire de soufflants fait merveille tant elle paraît façonnée par une expérience commune. La cellule rythmique est fusionnelle, ses couleurs sont parfaitement complémentaires, riches de bien des nuances. Du silence est venue la lumière. Cette esthétique très solaire n’est pas sans évoquer celle du label ECM de Manfred Eicher.

On n’avait guère de doutes quant à la faculté de Stéphane Kerecki à occuper une place prépondérante sur la scène jazz européenne, tant ses expériences passées (en particulier depuis le temps de son trio, parfois augmenté, et des Sound Architects) en avaient illustré toute la sensibilité. Mais avec ce disque, enregistré en trois jours au studio Gil Evans d’Amiens, notre homme franchit à l’évidence un grand pas (oserons-nous le qualifier de géant ?). Preuve s’il en était besoin qu’une certaine urgence peut faire très bon ménage avec une aussi séduisante hauteur de vue. Out Of The Silence est une réussite éclatante, on l’aura compris.