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Sunny Five
Candid
Tim Berne (as), David Torn (eg), Ches Smith (dms), Devin Hoff (b), Marc Ducret (g).
Label / Distribution : Intakt Records
Attention, ce disque n’est pas aimable.
Le quintet réuni autour de Tim Berne s’adonne en effet à une sauvagerie brute que ni l’âge du capitaine ni celui de ses partenaires, non plus que des collaborations entrecroisées au long cours qui pourraient inciter à plus de relâchement, n’auraient laissé présager.
Réunissant quelques desperados de la création sonore contemporaine, à la fois solitaires par obligation et solidaires par désir farouche de création radicale, peu - ou plus du tout - soucieux de complaisance à l’égard du bon goût, ou de la bienséance, voire de la bien-sonnance, le groupe déclenche une tempête dans un océan bruitiste.
En seulement quatre pistes d’une durée de 8 à 35 minutes (là encore l’amplitude n’est pas à mettre du côté de la mesure), le quintet échafaude en même temps qu’il le déchire un tissu sonore fortement texturé dans lequel, notamment, la guitare de David Torn fait son office. Soutenue par les riffs sales de la basse de Devin Hoff qui tient lieu de fondation comme de puissance pulsatile, la formation se lance, avec une envie dévorante, dans des improvisations sans jalon aucun. Maillages resserrés, grandes laizes tournoyantes constituent cette mer déchaînée où chacun navigue au gré de ses envies - et de ses capacités à saisir le ou les moments.
Ainsi Marc Ducret, en guetteur aguerri qu’il est, sait saisir l’instant où sa guitare viendra lacérer l’ensemble et porter un supplément de sens à un propos collectif pourtant déjà opulent. Car saturé par un saxophone extrêmement tendu qui joue sur les grands intervalles entre des graves et des aigus qui épuisent l’oreille et la réjouissent, ce vaisseau aux voiles qui claquent dans les vents contraires se renforce par son intensité même.
Sous les flux et reflux de la batterie de Ches Smith qui cache une finesse de jeu derrière des frappes lourdes, les cinq compagnons de fortune se laissent aller sans aucune retenue et sont capables, sur l’insistance payante du saxophoniste, de créer une mélopée impure dont on ressort assouvi, lessivé, sidéré.