Sur la platine

Marcelo dos Reis, ce guitar hero

Retour sur l’actualité discographique de Marcelo dos Reis.


Le guitariste portugais Marcelo dos Reis nous revient avec deux albums très différents qui reflètent assez bien sa double personnalité.

Lorgnant du côté du rock et du rock progressif, Flora, sorti chez JACC Records, est un des albums les plus personnels du guitariste à ce jour. Fasciné notamment par les improvisations solitaires du rock, Marcelo dos Reis y rend hommage à ses amours de jeunesse (Hendrix, King Crimson, Pink Floyd ou Sonic Youth) et à ses premiers groupes de rock adolescents.

Dans une orchestration guitare électrique, basse (ici c’est une contrebasse), batterie typiquement rock, le guitariste nous sert six compositions bien senties qu’il agence de main de maître. Introduction divagante, exposition de la mélodie, solo énergique, retour au thème et puis c’est tout. Une musique simple et brute qui s’étire dans de longs développements énergiques portés par la frappe sèche et puissante de Luís Filipe Silva et les riffs très groovy du contrebassiste Miguel Falcão. Marcelo dos Reis y est particulièrement à son avantage, enchaînant les riffs tranchants et les soli épicés, lui que l’on a l’habitude d’entendre dans un registre plus minimaliste. Il y étale une belle technique ainsi qu’un remarquable son, droit et métallique.

Plusieurs morceaux marquent durablement l’oreille comme « Big Tree » ou la ballade sensuelle « Amanita ». Dans Flora, on sent que le guitariste s’est fait plaisir. Mais ce qui n’aurait pu rester qu’un plaisir solitaire, ne l’est absolument pas : sa musique fédère et nous emporte avec lui.

Changement d’ambiance avec l’album (Un)Prepared Pieces for Guitar and Trumpet, sorti au cœur de l’été chez Cipsela, et œuvre du duo Marcelo Dos Reis/Luís Vicente. Leur premier album tous les deux, après presque quinze ans de vie musicale commune. Ils se sont rencontrés pour la première fois en 2009 lors d’un festival au Portugal. Très vite (quelques mois à peine), l’envie leur est venue de jouer ensemble. Ils n’ont plus cessé depuis, enchaînant les concerts à travers l’Europe et les albums dans des configurations les plus variées (Chamber 4, Fail Better !, In Layers, Frame Trio).

Sensibilité à fleur de peau, liberté en bandoulière, goût de l’échange et du partage, ces deux-là sont fait du même bois. Et ils sont aujourd’hui les fers de lance d’une génération de musiciens européens décomplexés qui foncent, créent, jouent sans se poser plus de questions que ça.

Cet album en est encore une preuve irréfutable. Fruit d’une résidence de 4 jours à Coimbra, les deux musiciens explorent profondément la matière sonore, devisant sur l’espace et le temps, ménageant comme une pause dans la course folle du monde. L’album s’ouvre et se referme sur le morceau « Climbing Up the Mountain », douce déambulation méditative, en apesanteur sur des crêtes imaginaires. Souvent, Dos Reis installe un fond sonore, aplats d’arpèges dégingandés ou d’accords plaqués, sur lequel Vicente brode, du bout des lèvres, des esquisses de phrases ténues à base de longues notes tenues ou d’enchaînements plus bruitistes. Un album lent et minimaliste qui se dévoile au fil des écoutes.