Chronique

Tim Berne - Matt Mitchell

One More Please

Tim Berne (as), Matt Mitchell (p)

Label / Distribution : Intakt Records

Troisième collaboration en simple duo pour ces deux partenaires qui évoluent notamment au sein du Snakeoil du saxophoniste. One More Please creuse plus encore une complicité, voire une communion musicale. Sur des compositions de Tim Berne (et une de Julius Hemphill, source intarissable d’inspiration du saxophoniste) dont certaines sont parfois associées en titres à tiroirs, les deux instrumentistes proposent une musique savamment construite dans laquelle on entend une maîtrise formelle de haut niveau.

Dans un autre registre que les emportements free dont ils peuvent être coutumiers, les développements lyriques affichent une abstraction frontale qui n’a rien de stérile ; ils ouvrent au contraire à une intensité dramatique jamais prise en défaut et dévoilent de nouvelles possibilités à la pratique duale.

Ainsi le piano de Matt Mitchell n’est-il pas l’accompagnateur de Berne, ni même son faire-valoir. Les deux parties avancent de pair en élargissant le chemin emprunté ou en lui donnant des profondeurs inattendues. Leur connaissance mutuelle et leur partage de compositions senties sur le bout des doigts permettent l’avènement de vagues communes et successives où l’on entend une alchimie complexe de notes. Le saxophone peut alors glisser dessus, dessous ou sur les côtés et porter haut une sonorité désormais unique tandis que le clavier fait déferler un entrelacs de figures composites.

Pour autant, la magie qui ressort de cette pratique tient bien évidemment à cette inventivité qui irrigue chaque geste et ramène immanquablement à l’univers du compositeur. Par la richesse et l’homogénéité de son travail, la force de cette musique – et la réussite de ce dialogue – est bien d’utiliser l’instantanéité de la pratique instrumentale pour apporter un supplément de valeur à l’édification de son œuvre.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 19 mars 2023
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