Chronique

Kate Gentile

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Jeremy Viner (ts, cl), Matt Mitchell (p, claviers), Kim Cass (elb, cb), Kate Gentile (dms, vib).

Label / Distribution : Autoproduction

Pas moins de trois disques rassemblés en un seul par la batteuse américaine Kate Gentile. Entourée pour l’occasion du même quartet sur les trois enregistrements, elle propose un panel très large de ce qu’elle souhaite produire comme musique et, dans le même temps, parvient à dégager une unité qui s’impose avec force.

La présence à ses côtés de Matt Mitchell, avec qui elle avait interprété le réussi et gargantuesque Snake Horse voici deux ans chez Pi Recordings, permet, il faut le dire, de donner le répondant nécessaire à son jeu de batterie foisonnant. Le pianiste (et parfois claviériste) joue des touches blanches et noires avec vitalité et un débordement qui gonfle conséquemment le son du groupe. Soutenu en cela par le bassiste Kim Cass qui se jette parfois dans la mêlée avec entrain, le groupe n’attend plus qu’une ligne mélodique nerveuse et fureteuse en la personne du saxophoniste et clarinettiste Jérémy Vinner, à l’aise dans ces esthétiques ultra-contemporaines, totalement transversales, voire transgressives.

Car si le premier et le dernier enregistrement (respectivement nommés Iridian Alphabet et The Cosmic Brain) donnent à entendre une musique actuelle toute en sinuosités, bifurcations soudaines et basses tortueuses, Senselessness, le second disque, apporte une dimension supplémentaire. En mêlant à une acoustique jazz les codes du metal extrême, le groupe verse dans une formation radicale qui fonctionne à plein régime. Les frappes syncopées d’une batterie épileptique empruntent avec justesse aux pratiques du rock extrême associées à des torsions harmoniques et une surenchère de propositions propres au jazz. L’insistance et l’acharnement en sont des valeurs premières qui invitent à jouer avec les débordements et des limites qui, une fois atteintes, sont aussitôt repoussées.

Rien d’aimable ici : les ambiances sont sombres, parfois rampantes et proches de la sidération. Pour peu qu’on apprécie de se laisser prendre à ce piège, on découvre un monde fascinant, entièrement composé par Kate Gentile qui, une fois encore, fait preuve d’une véritable originalité.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 4 février 2024
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